Si un mois après la condamnation de Gu Kailai, épouse de
BoXilai (pour le meurtre, 19/11/2011 du Britannique N. Heywood), nous annonçons le procès de Wang Lijun (18/09), c’est qu’il évoque le dénouement d’un drame du Parti communiste chinois (PCC) et permet d’en éclairer des ombres, tels les 15 jours d’absence de Xi Jinping à six semaines de son adoubement comme chef du régime. <p>Ex-bras droit de Bo, chef de la police de Chongqing, la métropole du centre, Wang est inculpé pour tentative de défection, couverture d’un crime, abus de pouvoir (écoutes téléphoniques de leaders comme Hu Jintao) et pour 3 millions ¥ de bakchich. Jusqu’alors, bien des détails, comme les 10 mois de délai au procès de Gu, évoquaient un lobbysme puissant pour protéger Bo, par les grandes familles du PCC, Jiang Zemin en tête. Historiquement, Jiang doit beaucoup à Bo Yibo, le père de Bo Xilai. Ainsi au verdict de Gu, on vit censurée toute suggestion d’une complicité du mari –les chances de relance de sa carrière restaient ouvertes.La surprise vient du rapport de Xinhua (19/09), qui minimise la faute de Wang.
Oui, il a voulu « passer à l’ennemi » au Consulat des USA à Chengdu, mais il craignait pour sa vie. Après le crime, Il avait protégé Gu, à cause de Bo. Puis en janvier, se ravisant, il voulait laisser la justice poursuivre son cours : Bo avait alors giflé ce compagnon de 20 ans, et tenté des pressions directes pour étouffer l’affaire. Tout en portant encore les traces de divisions de l’appareil sur le cas de Bo (pas une fois n’y apparaît son nom), le rapport suggère que la décision de culpabilité politique est prise—le verdict (sans doute lourd) est pour ce lundi 24). Il ouvre aussi la voie à son propre procès, et prépare l’opinion à une implication criminelle qui, si elle se confirme, sonnera le glas à la carrière du flamboyant leader gauchiste. D’autant que cette incrimination peut en inspirer d’autres : meurtres, abus de pouvoir, corruption, sédition…
Le dilemme du régime entier tient à ceci :
– Les « affaires » éclaboussent tous les bords (le clan de Hu, la Ligue de la Jeunesse, avec l’insolite scandale de la « Ferrari rouge », accident fatal d’un fils de la haute en compagnies galantes). Un déballage général aboutirait à une déchirure peut-être irréparable de son image – aggravée par des règlements de comptes : durant 10 mois, le sommet de l’appareil, déchiré, fut tenté de tout cacher.
– Mais, à ne rien nettoyer, on laisse croître, hors des limites du supportable, la corruption, le pouvoir de lobbies accrochés à leurs privilèges, et l’on bloque les urgentes réformes (du crédit, et du droit du sol).
Sacrifier Bo, et personne d’autre, pourrait être la solution visée. Mais celle-ci s’accompagnera forcément de résistances, de la part de ceux qui y perdront. C’est peut-être à quoi auront servi les 15 jours de «black-out» de Xi, à l’issue desquels il réapparaît frais comme un gardon. On pense que ce temps a été mis à profit pour négocier « au forcing » avec Hu Jintao, voire Jiang Zemin. Selon l’ex-gouverneur de Hong Kong, Tung Chee Hwa, intime des deux leaders, Hu obtiendrait deux ans de plus à la tête de la CMC, la Commission militaire centrale, en compensation de la non élévation au Comité permanent de Ling Jihua, son bras droit impliqué dans l’affaire Ferrari. Il obtiendrait aussi l’incrimination de Bo, qui le renforcerait, mais Xi Jinping aussi. Qu’a obtenu Xi en échange ? Trop tôt pour le dire, mais son retour sur scène, et son sourire suggèrent qu’il aurait gagné assez pour entamer son règne.
Sommaire N° 3031