Le premier « 18 trous » sur gazon en Chine ne verdissait qu’en 1984, avec quelques dizaines de membres. Puis la petite balle blanche a pris son envol.
Aujourd’hui, les golfeurs seraient 3 millions et d’ici 2020, selon Huidian Research, ils devraient passer à 20, voire 50 millions, pour un marché peut-être vingtuple des 7,2 milliards d’€uros qu’il atteignait en 2009. Au discret mépris des plans d’occupation des sols des ceintures vertes des villes, et des exhortations aux économies d’eau…
C’est que le golf pèse lourd, en profits et en emplois. En secrétariat, cafétéria, caddies, tondeurs ou experts brumisateurs, chacun des 600 terrains actuels assure 400 jobs. Une centaines d’universités ne s’y sont pas trompées, et ouvrent ces dernières années séminaires et cours (management de club, « practice », règles, service client, organisation de tournois)… A Shijiazhuang (Hebei), l’Institut d’éducation physique facture aux jeunes 12.000 ¥ l’année – double des autres disciplines, mais fait amphi-comble du fait de l’emploi assuré à la sortie.
La fièvre du golf est catalysée par les succès des jeunes, à l’assaut des greens mondiaux. Feng Shanshan, n°5 mondiale, remporte en juin à Pittsford (NY) le Championnat LPGA. C’est une première mondiale pour ce tournoi très prisé. À 23 ans, avec déjà sur son compte 2,3 millions de $, elle est en bon chemin pour devenir « la Tiger Woods chinoise ».
Voilà une fille sur qui la Commission nationale des sports souhaite investir : aux JO de Rio 2016, après 112 ans de ban, le golf sera de nouveau présent. Aussi dès 2009, la Chine lançait ainsi deux tournois de golf-dames : Chinese LPGA Tour et China Amateur Golf Futures Tour. Les centres de formation des provinces sont acquis aux méthodes de training des USA, tandis que les meilleurs préados, triés sur le volet, sont envoyés outre-Pacifique. Rien n’est épargné pour former, à toute vitesse, une couche de champions de niveau international. La tactique semble fonctionner : Andy Zhang, à 14 ans, devenait en juin 2012, le plus jeune participant de l’histoire de l’US Open. En parallèle, un nombre croissant de tournois sont organisés en Chine (28 en 2011), certains de niveau mondial sont retransmis à la TV, tels le Volvo China Open ou l’HSBC Champions, ce qui popularise ce sport. Ainsi, selon Zhang Xiaoning, le secrétaire général de l’Association nationale : « En plus des qualités athlétiques, le golf exige de la technique. Il est donc bien adapté à notre peuple ».
D’autres experts patriotes tentent de faire valoir que comme toute chose humaine, le golf a été inventé au Céleste Empire : sur la fin de la dynastie Song (960-1279), comme jeu d’intérieur, sous les pavillons vernissés de ses palais, la Cour impériale ne s’était-elle pas entichée du « chuíwán » (捶丸), littéralement « taper la bille » ? Sur des terrains de taille modeste, à l’aide de clubs, les joueurs devaient déjà expédier des balles en corne ou en os dans des trous. La Chine avait un bon sept siècles d’avance sur l’Ecosse, qui n’arrêtait ses règles du golf qu’au XVIIe siècle, à quelques décennies de la révolution industrielle.
Mais fairplay (ou réalistes), les historiens chinois se gardent de réclamer la paternité du golf pour le chuíwán : tout au plus se permettent-ils de poser en hypothèse que des marchands mongols auraient pu, lors de leurs périples, en faire atterrir la balle jusque sur les pelouses humides et immaculées de la perfide Albion !
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