Politique : Bo Xilai, l’introuvable procès

Eclatée en février 2012, l’affaire Bo Xilai fut enterrée en mars par la révocation du leader à la tête du Parti à Chongqing, puis en avril par son éviction du Bureau politique. Depuis, c’est le silence. Mais les signes se succèdent d’une vive bataille au sein de l’appareil voire l’opinion, et surtout, pour l’instant, la somme des actions en faveur du leader déchu pourrait peser plus que celles du pouvoir.

À Chongqing, le nouveau boss Zhang Dejiang n’a pu éviter des protestations parfois violentes -notamment les 6-7-8 juin. Quelques jours avant (30/05) CNTV, la chaîne en ligne de CCTV avait posté un reportage favorable à Bo Xilai. Vite retirée, sa sélection fut imputée à «l’erreur». Puis la presse de Chongqing annonça que des alliés de Bo, tel Huang Qifan le maire, restaient pressentis membres de la délégation municipale au XVIII. Congrès – donc capables de l’y défendre. De même, réapparut après deux mois d’absence le général Liu Yuan, «petit prince» comme Bo et étoile montante de l’APL, que l’on disait compromis dans l’affaire. A l’inverse Wang Lijun, le policier d’élite sur qui reposent toutes les accusations contre Bo et par qui éclata le scandale (07/02, en fuyant au consulat US de Chengdu) voit son bras droit limogé, possiblement jugé, ce qui affaiblit sa propre position.

Bo-même subit deux hostilités nouvelles : l’accusation (douteuse) d’une liaison vénale depuis 2007 avec l’actrice Zhang Ziyi, et chez 1300 policiers de Chongqing punis sous son mandat, la demande de révision de leur cas.

Le régime est en position délicate, devant faire condamner Bo Xilai, mais sans s’aliéner l’opinion, ni fragiliser la succession de Hu Jintao lors du XVIII. Congrès. Il semble préparer les procès express de Bo, Gu Kailai – son épouse (pour le meurtre du britannique N. Heywood), et Wang Lijun. Sur le fond, en aucun cas on n’évoquera une tentative de « passation illégale du pouvoir », ni les éventuels complices de Bo au plus haut niveau. Le procès pourrait se tenir en août, afin de dégager le terrain pour le Congrès.

D’aucuns voient ici le plus lourd scandale du PCC depuis la disparition du maréchal Lin Biao – le plus fort risque de perte de prestige auprès de la base. En mars, après le plenum du Parlement (ANP), le 1er ministre avait curieusement dévoilé deux scenarii de leadership futurs : la lente marche de l’actuel régime vers l’Etat de droit (les réformes du crédit et du droit du sol), et un tournant gauchiste autoritaire, qui pourrait chercher à casser le pouvoir de la classe des nouveaux milliardaires rouges.

En tout cas avec cette affaire, on est loin d’un incident isolé comme suggéré par la presse. L’aventure, si aventure il devait y avoir, impliquait nombre de personnages tels Zhou Yongkang. Et on s’interroge sur le silence depuis février de Xi Jinping, prochain n°1 national pressenti, tandis que Li Keqiang, futur 1er ministre, reçoit, voyage, « tient la boutique ».

Tout en poursuivant en sous-main ses préparatifs, Pékin tente d’endiguer son hydre n°1, la corruption. Se préparent les procès de grands banquiers (cf édito), de Liu Zhijun, l’ex-ministre des Chemins de fer. Une autre campagne vise les « cadres nus » (luo guan), ayant détourné des fortunes transférées hors frontières avec leurs familles (18.000 cas de 1995 à 2008, et 130MM$ selon la Banque centrale). De même dans le Shandong, 102 cadres ont perdu leur poste pour démérite, dont les deux-tiers pour dépassement de leur quota d’enfants du planning familial. Ainsi, avant le Congrès, le Parti semble moins empressé à réformer, qu’à nettoyer. Peut-être est-ce là le seul consensus dont il dispose…

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