Et puis enfin, dernière étape, en beauté, de notre périple brésilein : Rio de Janeiro. Feu d’artifice, cerise sur le gâteau, référence mondiale.
La ville chantée par Blaise Cendrars,symbole de samba, de vie aisée et élégante, le Paris des Amériques, ses plages, ses belles filles à la plastique refaite, ses travestis, son carnaval – tous ces efforts si exagérés, exaspérés de plaisir et d’hédonisme…
Les Pavés de Copacabana à Rio
Le feu d’artifice fut tiré à minuit du Nouvel An 2012, en salves somptueuses, au large de la célèbre plage de Copacabana, depuis six barges, en ligne. La mer et le ciel reflétèrent les figures de feu, illuminant la ville et les falaises, du Pain de sucre au Corcovado – le Christ Roi, et les sept paquebots embusqués aux premières loges. Il pleuvinait sur le sable, à crachin doux et chaud. Nous étions là, tous habillés de blanc à la mode des marchands, une bouteille de champagne en main dont le bouchon sauta, aux 12 coups de minuit.
Autour de nous, deux millions d’êtres s’amusaient ou se recueillaient dans la même tenue. Nous étions là depuis une semaine déjà, et vivions en splendeur nos dernières heures brésiliennes, avant le retour à la maison chinoise. Quelques heures plus tôt, nous buvions un verre avec Solange et Marc, vieux et fidèles amis de Pékin qui poursuivent leur carrière d’expatriation aux antipodes.
La veille encore, nous voyions sur la plage, de loin en loin des Brésiliens, pour la plupart noirs, se livrer aux rites préparatoires du Candomblé, gestes mystérieux. Des mets spéciaux à base de plantes, d’épices rares étaient offerts aux Orishas ou dieux de la nature et des origines. Des poulets, ou pigeons étaient égorgés à la lueur de bougies. Des chants, des incantations étaient murmurés sous les vagues. Une femme (la prêtresse) entra en transes, se laissa rouler jusqu’à la mer, attentivement suivie par d’autres fidèles afin de prévenir sa noyade. Quand elle fut imprégnée de l’écume, du sel des vagues qui se brisaient sur elle, elle fut relevée, et chacun vint recevoir sa bénédiction. Pendant ce temps en face, aux terrasses des cafés de l’autre côté de l’avenue, les Cariocas et visiteurs de tout le Brésil, voire du monde entier sirotaient qui leur bière, qui leur verre de vin, qui leur caïpirinhas.
La fête dura toute la nuit, chantant, criant, buvant et dansant – plusieurs grandes scènes, amphithéâtres de plage avaient été montés de front à l’océan, où les groupes et disk jockeys parmi les plus célèbres du monde,dont David Guetta, se succéderaient jusqu’à l’aube, concerts gratuits.
Rio sans en avoir l’air, faisait ses vocalises pour ses prochains rendez-vous, celui de la Coupe du Monde de Football, puis celui de 2016, des Jeux Olympiques. Les commerçants veillaient au grain. Depuis deux jours, le front de mer se carapaçonnait de planches d’aggloméré, afin de ses prémunir des mouvements incontrôlés de foule et des pillards. Sur la Avenida Atlantica, les ambulances-fourgonnettes équipées pour les secours d’urgence attendaient infirmiers et médecins en blouses blanches devant les portes, suivies d’autres dizaines de voitures de police et de bus grillagés des forces anti-émeutes. Dont certaines, par patrouilles, se frayant passage à travers les badauds, indifférents aux relents de marijuana, matraque au clair, talkie-walkie en batterie…
Dès 20 heures, en dépit de sa largeur, l’artère noire de monde en blanc, était infranchissable, même pour nous qui circulions à vélo. A la foule s’étaient mêlés les voleurs à la tire, de porte monnaies, de téléphones portables ou de toute autre chose moins avouables – commis au nom de la prétention que cette nuit, tout était permis… Ce qui confirmait l’aspect très raisonnable des gigantesques préparatifs sécuritaires. Moyennant quoi, le lendemain, de cette débauche d’alcool et de joints, pas un seul mort ne serait à déplorer.
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Rio est la synthèse de beaucoup de bandes passantes extrêmes.
L’architecture européenne, (urbanisme hausmannien) de la vieille ville, lieu des bourgeois et millionnaires, répond au 200 favelas qui s’accrochent aux flancs de colline aux pans très inclinés, aux ruelles non pavées et sans égouts, aux baraques de brique et de broc, sans eau courante ou presque.
Vu l’approche des grandes échéances mondiales de 2014 et 2016, le 13 novembre 2011, la police lançaient l’opération de pacification de 2 favelas : Rocinha et Vidigal. Nous avions la chance de pouvoir la visiter plus d’un mois après, accompagnés de Frédérique Zingaro,ex Pékinoise, (que certains ont bien connu), aujourd’hui basée à Rio, caméra au poing, free lance pour des télés françaises. Merci Fred de cette visite inoubliable, à moto, en haut de Rocinha, et quelle vue panoramique imprenable ! (cf photo avec M. Lin, Brésilien d’origine chinoise,(qui n’en parle pas la langue), qui veille à la pacification de la communauté de Rocinha). La littérature, les arts, les librairies et boutiques raffinées, mondialistes se heurtent à l’illettrisme des populations laissées pour compte.
Les forcenés des jeux de plage –beach volley sous toutes ses variations, du foot volley au volley raquette, les corps bronzés et filiformes, les marathoniens et joggeurs impénitents sur les pavés de Copa font le contrepoint à une très forte majorité d’obèses et d’êtres en surcharge pondérale, résultat de décennies passées à absorber des limonades poisseuses, des glaces, gâteaux et biscuits riches en graisses et en sucre, des « feijoadas », « pasteis », « paõ de queijo », de friture d’ «acarajé » à l’huile de Dendé (palme, non raffinée) farçie à la crevette, à la morue, le tout arrosé de bières sans modération.
Rio est aussi une ville en transition entre dictature et démocratie, capitale encore sous le coup d’une décompression du style « il est interdit d’interdire », et une ex-capitale politique qui ne s’est pas encore remise de départ vers Brasilia.
C’est enfin une ville richissime de son pétrole, qu’elle extrait au large, à quelques kilomètres. La métropole est encore toute fâchée de ce que le Parlement ait voté le « partage » national de ses richesses en hydrocarbures, qu’elle gardait jusqu’alors pour elle seule. Mais les locaux, entre quatre yeux, remettent les pendules à l’heure, et m’expliquent que c’est amplement mérité. Le jour du débat, à Brasilia, l’hémicycle était presque vide. Les députés cariocas brillaient par leur absence. Ils étaient tous… à Rio… à la plage… En train de prendre leurs plaisirs. Et si aujourd’hui, ils affichent aux murs de l’ex-capitale des posters en dizaines de mètres carrés, pour hurler à la spoliation, c’est moins dans l’espoir de rattraper l’irrattrapable, que d’au moins sauver la face, et se faire réélire. Ce que, de toute façon, ils feront.
Car partout sur Terre, les règles du jeu politique sont ainsi faites, et les dés ainsi pipés, qu’une seule et même classe accapare le pouvoir, quelles qu’en soient les fautes.
Frederique Zingaro et M. Lin, de la communauté de la Favela de Rocinha
Sous les pavés de Copacabana : la plage et son beach volley
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