C’était l’histoire d’une richissime madame Ding Ding qui s’était mis dans la tête de gagner beaucoup d’argent en créant un Club de tennis, à la campagne, aux portes de Pékin. Depuis des années, la maison ronronnait doucement, avec sa capacité de 200 lits, sa vingtaine de terrains à l’air libre et sa dizaine de courts couverts, dont certains en terre battue. Sous la pollution ordinaire, les filets et les courts en dur prenaient le vieux au fil des saisons, du gel, et surtout de l’absence de clients pour apporter l’argent nécessaire à l’entretien. Quelques petits détails avaient été oubliés dans l’affaire, comme une réception digne de ce nom, une salle de restaurant pour les joueurs et les instructeurs. Et surtout, sur le fond, une stratégie de développement, comparable à celle des clubs d’Europe : les présentations dans les écoles, les entraîneurs de qualité, les sponsors de renom, la formation d’une pépinière de championnes et de champions aujourd’hui en herbe, la vision claire d’un avenir de trophées internationaux engrangés…
Aussi en 2009, madame Ding Ding décida de reprendre les choses en main, et plutôt que de fermer une affaire qui périclite, voulut lui donner une nouvelle chance. Elle partit au charbon, dans son avion d’Air France (business class) vers Paris, destination Roland Garros, en quête d’un partenariat. Elle rencontra la star Belge Justine Henin, qui par bonheur, était intéressée à ce genre d’approche. Depuis trois ans justement, avec son entraîneur Carlos Rodriguez, elle avait créé en son pays d’outre-Quiévrain une académie tennistique baptisée « 6ème sens », à Limelette près de Bruxelles. Puis une autre en Floride (USA). Aussi dans les gradins du court Ph. Chatrier, entre gens raisonnables et pressés de bien faire, l’accord fut vite trouvé. Dès le printemps 2010, l’académie s’installait à Pékin, sous le nom de 6th Sense Tennis Academy Potter’s Wheel, « la roue de Potter » (du 6ème tome de la série du jeune Harry) Trois jeunes administrateurs, dont Andrès Bruno, Uruguayen, débarquaient alors, avec la manne de la milliardaire, s’appliquant à ajouter leur software au hardware languissant sur la morne plaine de Langxinzhuang : préparer les stages pour enfants et adultes, recruter les enseignants, faire assez de tapage et de coups de gongs au canon à balles de tennis, pour arracher le club et toute la capitale à sa torpeur.
les finalistes du Tournoi
Et c’est ainsi que dimanche 24 octobre, sous une pluie battante, la « roue de Potter » accueillait sous son hall principal la trentaine de courageux candidats au tournoi « Couleurs de Chine », l’association d’aide aux enfants Miao. Dix ans en arrière, Françoise Grenot-Wang, dite Fangfang, avait tout quitté pour s’installer en ce village de Danian en province du Guangxi. Créant en même temps son association en France, avec ramification en Belgique, pour collecter des fonds, elle avait mis en place des structures d’aides aux villageois de langue et de culture minoritaire, afin d’éduquer les fillettes Miao. Son action principale consiste à subventionner les écoles pour assurer leur gratuité réelle, et à scolariser les filles (les plus à risque de quitter l’école pour rejoindre leurs parents aux champs). Une centaine d’euros par an suffisent à ancrer ces fillettes sur leurs bancs d’école, leur évitant le départ à 15 ans vers Canton, ses usines textiles et ses dortoirs-prisons – prélude à leur acculturation définitive.
Et puis en 2008, c’était le drame, décrit en son temps sur ce blog (Adieu Fangfang, au pays des Miao). Construite en bois plein (pin) dans le style du pays, très belle mais très peu pratique, la maison de Fangfang à Danian, fut carbonisée la nuit du 11 décembre 2008, dans des circonstances jamais élucidées. En ce village si pauvre, sans caserne de pompiers, les incendies se combattent aux armes déloyales, trois seaux et deux baquets. Le lendemain dans les cendres, on ne retrouvait de Fangfang, près des débris de son ordinateur, que quelques ossements et ses bijoux fondus.
Après la perte de celle qui en faisait l’âme, « Couleurs de Chine » chercha son avenir. « Nous pensâmes à la dissolution », reconnaît Laurent Ferrier, bénévole à Pékin.
Mais Couleurs de Chine avait déjà près de 6000 enfants en « adoption », une structure solide, des milliers d’adhérents pour soutenir les projets à Danian et en pays Miao, à l’aide des antennes de Canton, Shanghai, Pékin : elle reprit le dessus.
Le tournoi de tennis de dimanche rapportera beaucoup moins, me disent les membres, que les années précédentes – arrivant trop tard dans l’année, suite aux difficultés à trouver l’espace tennistique nécessaire, et reflétant aussi la fin d’une longue phase de l’ « après-Fangfang ». Mais les années noires sont terminées, oubliées : Couleurs de Chine est prêt à redécoller, avec notamment une permanente française, Marine, immergée à Danian pour deux ans, effectuant le travail de terrain que faisait Françoise lors de notre passage en 2005 dans ces hautes montagnes de rizières pauvres, de forêts noires et de glaise jaune. Une belle histoire qui redémarre, en ce dimanche de pluie.
Si vous souhaitez aider CdC, adopter une moufflette, ou tout simplement aller voir ce qui s’y passe, cliquez donc sur leur site : www.couleursdechine.org Les conditions se sont malgré tout améliorées chez les Miao, même si la priorité du régime reste encore aujourd’hui les villes : peu avant sa disparition, Fangfang disait que la gratuité dans les écoles autour d’elle, sans être déjà tout à fait là, avançait à grands pas.
PS : ci jointes, quelques photos de Danian et de Fangfang de l’époque.
A bientôt
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Franck AFFORTIT
28 octobre 2010 à 16:22une histoire de court de tennis…
Damien
Béatrice Reinhold
3 janvier 2011 à 23:03Chère Béatrice,
Tous nos meilleurs voeux pour 2011 et prospérité pour cdc,
je te fais suivre cet article d’Eric Meyer sur son blog.
A très bientôt
Elie