Blog : Une soirée au concert

Le 20 septembre dernier, à l’Opéra national, avait lieu le concert du 中秋, Festival de la Mi-automne, par l’orchestre folklorique national, sous la baguette de Xu Hejun.

Une soirée très riche en couleurs et en petits messages sur la manière dont évolue l’art en ce pays, entre marché et PCC, liberté et idéologie, nation et famille, et l’éternelle recherche d’identité par cette société chinoise, à qui l’Occident sert depuis un siècle de mère nourricière et refondatrice : la Chine se sent toujours mal à l’aise, entre son rôle antique et toutes ses racines glorieuses, et cette dépendance. Un peu comme l’adolescent tente sans cesse d’ouvrir ses ailes.

Dans un même creuset, cette soirée s’est appliquée à fusionner étroitement et subtilement l’Est et l’Ouest, avec priorité apparente au premier (pour les thèmes et les accents, et les violentes couleurs superficielles), comme greffée sur une technique et une grammaire musicale dominée de manière écrasante, quoique presque invisible par l’Occident. Et telle que je connais la maison de l’Opéra national, sous les ordres, l’intervention étouffante et le financement direct du ministère de la culture, cette représentation était ce que l’Etat voulait nous montrer : un art occidental bridé et remodelé pour exprimer l’âme locale -politiquement correcte. Ainsi, le chef d’orchestre était habillé en vareuse de soie de style Tang, sans col et avec ses boutons de gallon festonnés. Mais la tenue était moirée-noire, comme le costume queue de pie du chef en concert classique , et c’est à la baguette qu’il dirigeait.

Tout l’orchestre, les 80 exécutants étaient également de noir vêtus, et répartis selon l’ordre exact de l’orchestre classique : cordes à gauche, percussion au fond, vent de trois-quart. Mais mis à part le violoncelle solo, les quatre contrebasses et  la harpe, les instruments étaient chinois traditionnels :  42 « erhu » (violons à deux cordes), 5 tambours divers, 8 gongs, une cymbale, 2 xylophones,7 flûtes, un luth, 2 vieles, 4 banjos. Tous ces instruments étaient modernes, recomposées ou codifiées, distinctes à l’œil et à l’oreille de leurs homologues européens. Nous fûmes spécialement saisis par la recréation des 5 orgues à bouche, traditionnellement en bambou, et qui ici, brillaient sous leur acier inoxydable. Et malgré l’indéniable « couleur locale », effet recherché, l’orchestre me sembla beaucoup plus proche, par sa composition, ses tonalités et la justesse de leur accordage, de l’orchestre symphonique européen, que des ensembles folkloriques nasillards, tel que nous les rencontrons dans les fêtes, les mariages et funérailles.

Les deux ou trois premiers airs étaient d’une écriture indiscutablement locale, avec leurs mélodies dramatiques, leurs harmonies lancinantes en tons de mineur et accords diminués, dont les noms étaient autant de références à la révolution « rouge » ou « culturelle », ou bien du genre « La jonque remonte le Yangtzé » ou « Jour de printemps sur le Pamir ». Solistes et divas hautes en couleur faisaient international dans leur apparition (se succédant de pièce en pièce), mais aussi très chinois, par l’aspect emphatique de leurs interprétations, tantôt langoureuse, tantôt excessivement émotives, ainsi que par leurs parures faites pour frapper le regard, aux reflets émeraude-fluo  ou blanc étincelant.

Puis petit à petit, la tradition orchestrale occidentale remonta insensiblement en puissance, reprit ses droits, comme si les auteurs ou metteurs en scène ne pouvaient plus conserver tout au long de cette soirée « folklorique » une telle charge de « sinité » sur une trame occidentale. Soudain apparut une mélodie aux tons ultra-chinois, sur la toile de fond d’un prélude de JS. Bach (un des plus célèbres, celui en ré mineur). Il fut suivi des « nuages roses fuyant la lune », aux fortes réminiscences des « brésiliennes » d’Hector Villa Lobos, et d’une musette guillerette qu’on aurait pu attribuer à Offenbach ou à Massenet.

L’essentiel était que les centaines d’auditeurs, le public, se sentent à l’aise et détendus dans ce concert fortement interprété selon leurs références. En quittant le concert, j’avais le sentiment d’une musique chinoise encore latente, mais que l’on devinait déjà, axée sur la couleur et les images : comme le cinéma ou le roman chinois moderne, en pleine émergence, surgissant du magma de la Chine en renaissance.

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A part cela, quelques images de l’hôtel « vieillard-magicien » (仙翁), près de Hairou, au pied de la muraille, où nous avons passé la nuit du solstice d’automne, en compagnie de milliers de citadins. Tout cela pour montrer le bouleversement en cours, et comment ces banlieues lointaines elles aussi s’enrichissent. L’hôtel était propre et confortable, à prix raisonnable, comportant des éléments d’une hôtellerie dernier cri (chambre design), et d’autres rappelant le passé maoïste (la chaudière à eau bouillante pour les thermos dans le couloir). L’hôtel a été construit par les paysans, et ils en sont propriétaires. 

                                  

 Et puis quelques photos d’un petit marché perdu dans Pékin – marché d’images:

le marchand de « baishu » (patate douce grillée)

celui de poissons d’aquarium

 

celui de noix qui, après traitement mystérieux, atteignent le prix astronomique de plusieurscentaines de Yuan

celui de grillons chanteurs

  

et les fruits d’automne : noix, calebasses, chataîgnes et les dernières pêches

et pour finir, le dernier passage du Mime Bizot à Pékin, au petit théâtre privé Penghhao (Dong mian hua hutong) – jusqu’au 4 octobre, mais rassurez-vous, comme il entretient ici une école de mime, il reviendra – c’est promis!          

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