Françoise Grenot-Wang, fondatrice de Couleurs de Chine, l’association de parrainage d’enfants des minorités ethniques Dong et Miao, nous a quittés le 11 décembre 2008 dans l’incendie de sa maison en bois à Danian (Guangxi).
Le feu, elle le craignait par-dessus tout. « Triste nouvelle de Danian » avait-elle plusieurs fois écrit pour donner l’alarme: un nouvel incendie venait de ravager le village. Fangfang (Françoise) appelait à l’aide, espérant des fonds pour rebâtir -car la vie continuait, pour ces pauvres bergers-sylviculteurs. Mais le 11/12, ce tocsin sonnait pour elle…
Le président de l’association Couleurs de Chine, Philippe Marescaux, et Marine Vitré, récemment nommée responsable des projets de Danian, devraient se rendre sur place ce jeudi 18 décembre 2008.
Comme ceux qui ont connu Fangfang, Le Vent de la Chine veut aider Couleurs de Chine à poursuivre son œuvre -tout en apportant aux enfants en ce moment dramatique un message d’espoir, et une sorte de cadeau de Noël :
Donnez : 50€ = 1 an d’école, 600€ = 1 an d’université, ou ce que vous voulez, pour les reconstructions d’écoles
Compte « Couleurs de Chine
pour un virement en France: Banque populaire Val de France. Code Banque : 180707 Code guichet 00063
N° de compte : 09121247069 Clé RIB 28
Pour un virement international: IBAN FR76 1870 7000 6309 1212 4706 928, SWIFTIBC : CCBPFRPPVER
En mai 2005, nous nous étions rendu sur place à Danian et avions partagé la vie de Fangfang et de ses petites filles Miao, grand moment de complicité et de gaîté, dans ces montagnes où tout manque sauf l’hospitalité et la gentillesse :Retrouvez les articles publiés dans Le Vent de la Chine en 2005 et 2007
http://www.leventdelachine.com/vdlc.php?id=200516 http://www.leventdelachine.com/vdlc.php?id=200725
Et par ailleurs, nous vous offrons aussi , ci-dessous, l’article publié dans les colonnes de OUEST FRANCE et des Dernières Nouvelles d’Alsace en juin 2005, par Eric MEYER : en souvenir !
1° Les Miao, un peuple oublié
La route est longue, pour arriver chez les Miao, ethnie chinoise perdue au fin fond de la province méridionale du Guangxi. Depuis Liuzhou ou Guilin (à trois heures d’avion de la capitale), il faut six à neuf heures de route et/ou de bateau, à travers un paysage bizarre de plaine parsemée de pains de sucre géants, avant de s’enfoncer dans ces montagnes de glaise rouge, royaume d’orangeraies et de rizières au tracé toujours plus audacieux, aux terrasses capricieuses, et de forêts de pin profondément entaillées par les coupes à blanc.
Ici, à Danian, c’est la Chine, et ailleurs, en même temps. Les filles portent en tout temps leur tenue folklorique, sarong bleu améthyste de coton rendu brillant par le martelage au maillet, et un peigne de plastique bariolé dans les cheveux. A table, on mange avec les doigts – sacro-saintes ailleurs, les baguettes sont inconnues. Et bien sûr, on ne parle pas le mandarin, sauf exception. Ces Miao ont longtemps souffert des préjugés des Han, l’ethnie majoritaire. De longs siècles en arrière, ils régnaient sur le nord du pays, et ce n’est que suite à une série de défaites militaires qu’ils furent refoulés, petit à petit vers le sud, jusqu’à ces collines magnifiques mais ingrates.
Au moins, dans leurs hameaux spartiates, ils vécurent jusqu’à présent dans l’isolement, conservant leur culture. Et la plupart des villages « Dong » (autre ethnie locale) conservent leur « Tour du tambour », couplée d’une scène d’opéra local.
Mais à l’heure, pour la Chine, de devenir l’ «usine du monde», d’innombrables dangers menacent le fragile écosystème de ces neuf millions d’âmes parsemées entre cinq provinces du sud chinois :
– La pauvreté force encore les familles à priver les filles d’école.
– à 14-15 ans, pour éviter le mariage forcé, ces gamines descendent par milliers vers Canton, à deux jours de bus, pour travailler comme cousettes ou ouvrières. Pour l’instant, elles reviennent après avoir mis de côté de quoi se marier, à 100€ par an. Mais d’autres, déjà, se sauvent à jamais. Telle la mère de Pengsai (fillette de 13 ans, à l’école grâce à l’intervention de Couleurs de Chine, cf encadré), qui partit pour Shenzhen, la frontière de Hong Kong, fuyant la vie trop rude pour se fondre dans le confort moderne du monde chinois. Depuis, son père reste seul, bûcheron et paysan, trimant dur pour gagner un euro par jour, à peine assez pour survivre et nourrir les enfants. « En cas de maladie », dit Françoise Grenot-Wang, qui a pris le surnom chinois de Fang Fang, « C’est la fin de tout : ils ne peuvent plus payer, et meurent, laissant des enfants sans subsistance ».
– Un autre risque lourd, est celui de projets hydroélectriques comme celui de Yangxi, heureusement très contesté à Pékin, si gigantesque que s’il se réalisait, il forcerait la majorité des Miao à l’exode massif pour la ville, perdant leur mode de vie unique.
Bien tardivement, la province et l’Etat ont pris conscience de l’urgence du problème : Fang Fang et Couleurs de Chine sont modestement assistés par le gouvernement local qui leur a offert notamment une voiture, en reconnaissance du travail de mécénat réalisé par celle qu’à des centaines de kilomètres à la ronde, on appelle « faguo hao nüren », «la bonne Française».
– Dernier danger : celui dû à la natalité, car à quatre ou cinq enfants par couple, contre un ou deux ailleurs, les Miao sont trop nombreux pour leur environnement. En 20 ans, les forêts, matériau des maisons locales et unique source de chauffage, ont réduit d’au moins la moitié, laissant les vallées sans défense contre les lourdes pluies.
Ce qui m’a le plus frappé, dans ces villages, est le combat désespéré pour sauver la culture, les festivals qui durent des jours, où les filles parées de bijoux d’argent, dansent et choisissent leurs soupirants. « La culture », dit Fang Fang, « c’est tout ce qui leur reste. Ils sont pauvres, mais différents, ayant conservé des vertus du passé, que les Han ont perdues, telle la convivialité, l’hospitalité, ou la joie de vivre ». Comme pour illustrer son propos, au village de Xiangtang, le vieux conteur public m’a récité la légende de son peuple. A l’origine, trois hommes égaux, symboles des trois clans de la région, reçurent la visite de Wo Nieng Wang, la vieille reine-sorcière, maigre et laide à faire fuir. Le Yao ne la regarda même pas – il fut puni de l’exil au sommet de la montagne. Le Miao l’hébergea, mais refusa de l’honorer de sa couche : il reçut en partage les pentes. Quant au Han, il comprit qu’en la lavant, en la nourrissant, elle ferait une bonne partenaire : depuis lors, le Han est roi de la plaine, et du monde. Tandis que le Miao trime, sans rancœur ni amertume : c’est le destin !
(photos : nos enfants Jérémie et Héloïse, se lient d’amitié avec les jeunes Miao et Dong)
2° Cendong : le village des voleurs de vaches !
Pour y parvenir, il faut d’abord une heure de grosse barque à moteur, à descendre le torrent -les bateliers sont vigilants et braves, surtout celui qui, à la gaffe, détourne la proue des rochers. Puis deux autres heures se passent à bord d’un petit camion entre montagne et précipices, sur des pistes ravinées par l’orage de la veille, si dangereuses que plusieurs compagnons blêmes, demandent à finir à pied.
Enfin c’est Cendong, royaume des voleurs de vaches, noyau de hautes maisons de planches noircies par les intempéries, sur pilotis. Splendide, aux pentes vertigineuses à la verdure surnaturelle, le décor valait ces efforts : nous sommes les premiers étrangers à visiter ce village depuis 1949.
Enclavé entre ciel et sommet de colline, le terroir crie sa pauvreté poignante. Les gens de Cendong vivent des rizières étriquées, d’orangeraies étiques, et surtout des prairies pelées, aux pentes âpres de 15°, où végètent quelques vaches maigres. Sur la route, nous avons dépassé quatre hommes à la file indienne, marchant à pas rapide, le regard bas, et les seuls qui ne cherchent pas à faire de l’autostop : sans plaisanter, notre guide nous déclare qu’ils sont probablement les larrons ayant frappé la nuit dernière à Danian, la bourgade dont nous venons. La pluie à causé de destructrices coulées de boue, et les rafales de vent ont arraché les toits d’écorce de pin, forçant tout le monde à s’entraider pour s’abriter. C’est, une fois un semblant de calme revenu, qu’à trois heures du matin, selon un immuable scénario, profitant du désordre, le commando a volé quatre vaches ou génisses. Par quelle magie ont-ils réussi à sortir les bêtes dans un silence total, sans alerter les propriétaires, qui dormaient juste au- dessus ? Mystère ! A quatre heures, une vigile a donné l’alarme: alors, à la minute, selon un scénario bien rodé, tous les hommes, en un bond, se sont élancés en battue aux quatre horizons, avec parmi eux Jia Lixin et son frère policier qui s’échangeaient les nouvelles par téléphones portables. Avec leur bétail, les bandits au pas espéraient fuir par des pistes indirectes, jusqu’à trois jours et trois nuits sans halte ni sommeil, à travers les grottes et les raidillons. Une fois à bon port, les bêtes auraient été abattues, salées, et les quartiers cachés pour résister à une fouille méticuleuse. Mais cette fois, ils furent rattrapés. Un des voleurs fermait la marche, pour donner l’alerte : c’est ce qui les a sauvés, à l’aube. Une fois les vaches récupérées, les gars de Danian n’ont pas poursuivi les voleurs, évanouis dans la nature et filant comme le vent. S’ils les avaient pris, ils les auraient frappés à coup de branches épineuses, pour les punir, puis relâchés. Au pire, ils les auraient livrés à la police, pour une peine de prison de six mois, ultime châtiment des pauvres volant les pauvres…
A présent cependant, pressé par nos questions, le village tente de nous donner une meilleure image. Il y parvient en partie, par la simplicité et la gentillesse de son accueil – un banquet nous attend, plus attendrissant qu’appétissant, avec canard bouilli accompagné de sang caillé au piment, porc et poisson frit, et riz gluant dont chacun se pétrit des boulettes à partir de la marmite commune…
Le policier argumente que bien des vols, perpétrés ailleurs, sont mis au compte de Cendong. D’autres suggèrent que seuls une poignée de mauvais garçons se livrent à ce genre de sport.
Mais surtout, avec sincérité évidente, les notables m’évoquent un renforcement de l’aide publique depuis deux à trois ans. L’électricité a fait son apparition, comme le réseau de téléphone portable, et les voies carrossables, mettant ces villageois à quelques heures de la ville – des magasins, banques, hôpitaux. Des plans de thé de qualité adapté à ces hauteurs ont été offerts, pour fournir à quelques familles un revenu maigre (18 euros/mois), mais qui permet de vivre. Les administrations ont été fortement dégraissées dans toute la région, pour moins peser sur la population. Enfin, de Cendong aussi, les filles commencent à descendre à Canton, attirées par l’embauche des usines… Tout ceci atténue la pression au vol de bétail !
Mais surtout, l’école sur la place, bourdonne de vie. Avec 4 classes, elle accueille 150 élèves dont les plus âgés comptent douze printemps à peine. Depuis deux ans, la scolarité est obligatoire chez les Miao, pour neuf ans, et la mairie met à l’amende les familles retirant leurs fillettes pour les mettre aux rizières… Si la subvention de Pékin arrive, ce qui n’est pas le cas… Dans Cendong, ce jour-là, « Fang Fang » va recenser 36 filles et six garçons à parrainer. Le directeur de l’école nous demande si nous pouvons trouver 10.000 euros pour créer une annexe à l’école, afin de dédoubler des classes et loger les maîtres… Ce qui rappelle, chez un lettré de notre groupe, la superbe phrase de Victor Hugo : « ouvrir une école, c’est fermer une prison » !
5100 fillettes déjà arrachées aux champs,
et 61 écoles rebâties…
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Bertrand
18 décembre 2008 à 23:31Terrible nouvelle…
Le seul réconfort que l’on peut avoir est de se dire qu’elle aura pleinement vécue cette belle aventure qui lui tenait tant à coeur.
Salut Fangfang et merci
jacqueline FLORIANT
29 décembre 2008 à 03:53Je n’arrive toujours pas à admettre la mort de Françoise. J’étais chez elle à DANIAN avec un groupe d’amis il y a à peine deux mois. Elle faisait plein de pro,jets. Je lui avais fait part de mon intention de revenir pour la fête des Lushengs. Pas de problème m’avait-elle dit, mon équipe s’occupera de toi. Nous avions évoqué le prochain voyage à DANIAN en Juin 2009. Mes amis me prient de faire quand même ce voyage; je ne sais comment faire sans elle, je suis perdue… J’adorais le Pays Miao, grâce à elle et pour elle je continuerai à aller voir nos amis. Il faut seulement me laisser un peu de temps. Lorsque je grimperai dans la montagne, je la verrai toujours à quelques enjambées , devant moi, car c’est d’un pas sûr et sans effort qu’elle allait vers ses amis. jacqueline
anne
9 février 2009 à 19:33je suis marraine de meicai au pays des miao, merci pour nous avoir raconter le pays de nos filleules, fang fang on ne l’oublira pas ;
francine Kuipers
22 février 2009 à 07:59J’ai appris le deces de Fanfan ce matin. Je suis depuis 30 ans aux Etats Unis. Nous etions amis depuis 1970.
Je voulais lui rendre visite en octobre 2009.
Je suis encore choquee par son depart .
Une femme merveilleuse et unique.
Elle laisse beaucoup derriere elle. Peu de gens ont cree une oeuvre qui continuera au dela de leur mort.
Francine
Robert Wilson
18 octobre 2010 à 17:04thanks for the post