Près de Huairou, à 80km au nord de Pékin, on pouvait voir ce week-end, comment les JO ont affecté la vie des habitants. Plus plus exactement, comment ces anciens paysans montagnards reconvertis dans le tourisme, n’ont pas tenu le moindre compte des jeux, et ont continué à vivre, pour certains d’entre eux en tout cas, dans une bulle d’histoire, à l’écart presque tout ce qui s’est produit dans ce pays au cours des 25 dernières années.
Ils ont leur excuse : ayant été proprement oubliés par l’enrichissement de la ville, ils ont vu leurs enfants les quitter pour aller travailler en ville, sans pour autant recevoir financement, éducation, technologies ou assurance sociale, tandis que la terre de leurs lopins s’envolait sous les tempêtes de sable de Mongolie, et que la désertification asséchait les cours d’eau et tuait jusqu’aux arbres. Depuis dix ans cependant, ces populations fossiles ont trouvé un nouveau débouché en se reconvertissant dans le tourisme : ils réhabilitent leurs fermes en gîtes pour citadins nostalgiques, en quête de promenades sur des raidillons parmi une flore rendue luxuriante par les lourdes pluies de l’été; avides de bains dans les minces torrents, voire (beaucoup plus rare) de rencontres avec les lapins, canards sauvages, faisans voire sangliers occasionnels.
Un exemple typique, et sympathique de ces nouveaux entrepreneurs est Xiaolou, jeune patron de 40 ans, qui tient avec sa femme et une poignée d’employées saisonnières de son clan, un petit hôtel de 10 chambres au bord d’une cascade. Pour lui, la saison a été moyenne, ses chambres restant inoccupées la plupart du temps, au point de prendre le moisi, faute d’être quotidiennement rafraîchies. Les touristes étrangers ou d’autres provinces sont arrivés en troupes maigres, aux visas rationnés par des autorités n’ayant que la sécurité en tête. Et les Pékinois n’ont pu venir, car le trafic automobile, depuis juin, n’est autorisé qu’un jour sur deux. « on se refera pour la fête nationale », dit Xiaolou, un sourire mince aux lèvres – car un Chinois ne se plaint jamais. Et optimiste invétéré, il prépare une petite piscine pour l’an prochain, dont il espère un hôtel comble pour toute la saison – la fortune, en plus de l’extraordinaire qualité d’air et de paysage, l’ineffable paix de sa vie quotidienne.
Juste à côté de l’établissement de Xiaolou, se trouve une piscine relique d’une autre ère : domaine qui semble militaire, mais également une dépendance de la mairie de Huairou. En tout cas, une « danwei », entreprise d’Etat comme on n’en fait plus. Ce bassin de 70m de long par 20 de large, avait été creusé dans les années ’60 sous Mao pour récompenser les bons prolétaires par un bol d’air du dimanche et un picnic sous les saules, aux tables et bancs de béton décorés en souches d’arbres.
Mais mêmes causes, mêmes effets : ni le glorieux soleil d’automne, ni le dramatique décor de crêtes et de grande Muraille en ruine, n’attirent le chaland : nous sommes les seuls sur la place. Immédiatement, nous sommes pris en main vigoureuse par l’ordre local, un homme aux traits burinés, vêtu de noir, déterminé à faire les choses selon les règles. Ce gardien nous fait payer nos entrées, puis désigne parmi nous un chef de groupe : il lui délègue la responsabilité de nous faire appliquer une longue série d’instructions (anti-noyades, et de respect du site). Puis il se retire à portée de regard, assisté d’un second gardien. Constatant qu’une ou deux bouteilles a été ouverte (nous sommes une dizaine), il tente de nous convaincre de ne pas prendre l’eau – c’est spécifiquement prohibé par le règlement. Mais il sera vaincu par la loi du nombre, voire dans une certaine mesure, par celle de la linguistique : à l’incompris, nul n’est tenu !
photos Ph. Ollendorff
A 15h30, il s’approche à nouveau pour nous préparer à vider les lieux. Quand nous lui faisons remarquer que son règlement écrit au mur en lettres (ou caractères) de feu, prévoit la fermeture à 17h, il nous réplique, superbe, que l’heure de clôture, en tradition socialiste, doit correspondre à l’heure de son propre retour en son foyer, après une demi-heure de motocyclette – la même règle non-écrite mas d’airain vaut également pour les pilotes du hors-bord sur le lac voisin. Nous nous exécutons donc, et nous replions bien trop tôt pour notre goût, avec le soleil encore haut dans le ciel.
C’est ainsi que l’unité de travail montagnard poursuit sa vie, impavide aux changements qui peuvent se produire dans la plaine, Jeux Olympiques ou pas, et conserve son cap, son souffle et rythme immuable : peu rentable, gaspillant les dons d’un cadre paradisiaque, mais vivant à son aise, au « service du peuple », royalement indifférent à l’appel du marché comme aux besoins des baigneurs du dimanche !
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françois
3 septembre 2008 à 04:26Pourquoi aller si loin se baigner le dimanche ? la grande côte est si loin !!
A quand le prochain voyage ,vivement le week-end !
François