Signer un accord avec l’Union Européenne, la semaine passée, était crucial pour Pékin, sous peine d’accroître le risque que le Congrès US,à partir du 22/5, ne rejette le deal conclu avec Pékin en novembre 1999. Aussi l’accord OMC du vendredi 19/05 est-il un grand succès pour la Chine, ainsi que pour Zhu Rongji – qui en bien besoin!
Présenté par le commissaire responsable Pascal Lamy, l’accord révèle que par rapport à ses exigences de départ, l’Europe a reculé, et la Chine a tenu ferme sur les trois «rocs» qu’elle avait posés dans son marché. La griffe nationale (la propriété publique à 51%, héritage maoïste contradictoire du libéralisme), reste fermement plantée sur la téléphonie mobile, l’assurance et l’auto, secteurs promis à un grand avenir. «La Chine n’était pas prête!», dit Lamy, «plutôt que bloquer l’entrée chinoise à Genève, nous avons préféré chercher des compensations».
Ces compensations apparaissent innombrables, supposées améliorer à court terme, la vie des professionnels et l’accès « réel » au marché. Mais leur portée, souvent, n’apparaît pas, faute de précisions. Ainsi, en distribution ( une des trois concessions, faites à Lamy par Zhu pour arracher l’accord, les deux autres portant sur les télécoms et les assurances), le plafond de 20000m² pour grandes surfaces est «relevé» (à quelle nouvelle surface?) ainsi que le nombre des opérateurs étrangers autorisés, et disparaissent «presque toutes les obligations de JV» (??).
En télécoms, après 3 ans, l’étranger pourra acheter des capacités (en Chine, et en dehors), puis les revendre avec services ajoutés (internet, start ups etc.). Les Compagnies étrangères de téléphonie mobile pourront posséder après trois ans leurs 49% d’une Joint Venture en Chine. En assurances, l’Union Européenne obtient sept licences (vie et non-vie), « le contrôle effectif » par l’étranger de ses Joint Venture d’assurance vie, et le droit d’installation des courtiers.
En automobile, les provinces auront plus de latitude pour approuver leurs Joint Venture, les firmes, pour choisir leurs modèles, et les usines moteurs ne sont plus obligatoirement Joint Venture…Plusieurs monopoles seront abolis.
La Chine s’engage aussi à renoncer à ses subventions à l’export (raison n°1 du « boom » de ce printemps), à des pratiques discriminatoires comme l’obligation de réexport d’un pourcentage des productions des Joint ventures étrangères, ou la localisation des pièces détachées.
Une forêt d’autres dispositions (non décrites) couvrent marchés publics, banques, avocats, études de marché, architecture et construction, tourisme, et l’égalité de traitement pour la pharmacie, la chimie, le SAV, les études de marché, voire les tabacs et alcools.
Sans parler, last but not least, de ces droits de douane réduits à 8 à 10%, permettant d’émietter l’ouverture entre 150 produits traditionnels ou spécifiques des 15 pays de l’UE, du vin aux olives, du cognac (ou du gin) aux spaghettis, en passant par textiles, vêtement, chaussure, cuirs et cosmétiques, mais aussi machines…
En somme, les Européens ont eu des centaines d’aménagement, allant au delà des concessions obtenues en novembre par l’équipe yankee. A en croire M. Lamy, des « 20% »d’amélioration au deal sino-US que réclamait par Bruxelles, 17% auraient été obtenus.
La beauté particulière de cet accord, serait d’être viable auprès d’une Chine volontaire pour rejoindre le club des nations, et qu’il eût été dangereux de décourager. On sent ici la volonté politique non de la Commission, mais du Conseil des Ministres européens.
Quant aux pans d’économie d’État que la Chine n’a pas voulu ouvrir aujourd’hui, «on y reviendra», promet le Commissaire, «dans 3,5 ou 10 ans »! Dont acte – mais au 1er soir, rappelons-le, si le tableau des victoires chinoises est clair, celui des européennes l’est moins.
Sommaire N° 17