La visite en Chine de D.Miliband le ministre britannique des affaires étrangères, (15-17/03) s’est soldée par un échec. L’enjeu pourtant était tout sauf mince. Il s’agissait de remettre sur les rails une relation en crise et relancer une des plus puissantes coopérations sino-européennes. Depuis décembre 2009, les rapports sont tendus, suite :
[1] à l’exécution en Chine pour narcotrafic (30/12), d’Akmar Shaik, sujet britannique, et
[2] au sommet climatique de Copenhague, Miliband accusant Pékin de l’avoir torpillé par stratégie obstructionniste. Avec Bruxelles, Londres reproche aussi à la Chine une fermeture protectionniste de ses marchés aux produits des PME européennes.
Miliband espérait aussi convaincre Pékin d’accepter des sanctions contre l’Iran, pour contraindre le régime des mollahs à renoncer à sa course à la bombe. La Chine pour sa part semblait prête à donner de la face au ministre travailliste : en plus de Yang Jiechi son homologue, il fut reçu par Wen Jiabao et Dai Bingguo le Conseiller d’Etat, ce dernier rehaussant avec lui le «dialogue stratégique» à un niveau ministériel encore inédit. Mais l’innovation s’avéra plus cosmétique que fertile.
Sur l’Iran d’abord : Pékin reste sur sa position, que «la voie des négociations n’est toujours pas épuisée». Pour des raisons stratégiques, économiques et surtout historiques, la Chine est hostile à toute sanction de l’Ouest. Les experts lui prêtent l’intention, le moment venu d’ici quelques semaines, de tolérer des sanctions, mais dans les mêmes conditions qu’en 2006 et 2008 : après les avoir tant édulcorées qu’elles n’aient plus de sens.
Pomme de discorde, Miliband ne pouvait pas éviter le thème des droits de l’homme, du sort de l’avocat Gao Zhisheng, au secret depuis 6 mois -peut-être sous le coup d’une peine de 5 ans édictée en 2006, assortie d’un sursis aujourd’hui révoqué. Ce type de dialogue n’est pas fait pour arranger les choses, et Yang Jiechi n’offrit, en réponse, ni éclaircissement, ni élargissement.
Le seul point sur lequel le visiteur pouvait séduire ses hôtes, fut sa prise de distance vis-à-vis de l’attente montante des USA et de Bruxelles d’une réévaluation du Yuan, que Pékin rejette avec véhémence. Miliband émit aussi des sons sympathiques mais de plus en plus abstraits pour dire que « nos futurs sont liés », et « Chine et Royaume-Uni ne sont pas en conflit »…
Au terme de la rencontre, Yang préconisait que les 2 nations prennent la crise comme chance de renforcer la coopération en matière financière et d’énergies renouvelables. Aucun protocole diplomatique n’a été signé. Et de contrats, même en rêve, il n’était pas question. En fin de compte, la mission dévoile un manque de confiance entre les Etats. Chine et Royaume Uni, voire Chine et Occident. A sa presse, Miliband avouait sa crainte qu’à ne plus pouvoir s’entendre sur rien, la Chine et l’Ouest ne se condamnent à « une décennie de sur place ».
Pire : l’échec de Miliband est passé inaperçu ailleurs qu’en son pays – dans l’indifférence des nations – chacun pour soi. Il devrait pourtant frapper. En Chine, le Royaume-Uni n’est pas n’importe qui. Il est la puissance maritime qui lui imposa les Traités Inégaux, les métiers à tisser, les bicyclettes (Raleigh), l’évangélisation protestante et une grande part de son Etat moderne. Aussi, on se demande quelle panne doit inquiéter le plus -celle de Londres/Pékin, ou l’attention solidaire des autres ?
Sommaire N° 11