Le Plenum de l’Assemblée nationale populaire (ANP) qui vient de s’achever s’est penché sur une brillante malade, l’université. Brillante, avec ses 6 millions de nouveaux étudiants/an (6 fois plus qu’en 2000) dans ses plus de 1000 écoles et facultés, mais malade de dettes apocalyptiques et gangrenée par le plagiat de 60% des profs obligés de publier des fausses recherches pour avoir de l’avancement. Un symptôme remarqué, est l’absence de la RP de Chine parmi les rangs des Nobel, sauf en littérature, avec Gao Xingjian, dissident en exil.
La faillite tient à l’étranglement des universités par les cadres parachutés à leurs têtes, qui décident de tout, suivant des critères imposés par Pékin sans regard pour les situations locales. Le programme unique, de même, tue toute originalité et compétition : on «planche» les mêmes sujets de Haikou sous les tropiques, à Lhassa à 3600m d’altitude himalayenne. Autre perversion : les rangs (vice-ministre, gouverneur) de certains présidents d’université créent une solidarité de caste, mais font oublier la finalité d’étude et de recherche de l’établissement.
Avec son plan dit «réforme à moyen-long terme de l’éducation», le ministère veut réagir à ces tares, et rendre aux universités la liberté d’organisation et de recrutement, de programmes, de pédagogie.
Ce programme est complété par une expérience–pilote: la création à Shenzhen d’une université des sciences et technologies de Chine du Sud, sous la houlette d’un précurseur Zhu Qingshi, ex-président de l’université nationale du même domaine. Pour tout recommencer, on part de rien. La 1ère promotion, en septembre 2010, ne comptera que 50 élèves. La direction sera élue par un conseil des autorités locales, des milieux patronaux, religieux etc., des enseignants et des élèves. Après le vote, cette direction autonome sera souveraine. La clé de voûte sera un règlement intérieur voté à la mairie, prenant ainsi force de «tables de la loi». Les profs seront recrutés sur le marché international avec salaires hongkongais-financés par les donations industrielles, selon le modèle anglo-saxon.
Ce projet qu’enseignants et étudiants attendent, est donc octroyé par un Etat bien conscient des besoins d’une Chine aux ambitions mondiales, de pouvoir se mesurer à armes égales avec les universités du monde démocratique. Au Plenum, Wen Jiabao, le 1er ministre, a validé la réforme, à matérialiser « au plus vite ».
Restent les grincements de dents des ronds de cuir-présidents, qui perdront leurs privilèges. Pour l’instant, leurs titres leur assurent un accès privilégié auprès des autres hauts cadres, pour défendre leur école. «Comment faire à l’avenir?», objectent-ils. Aussi, quelle pédagogie d’avenir, en remplacement du par-coeur de rigueur jusqu’à présent? Comment introduire dialogue? Démocratie? Peut-être ici, les universités d’Europe et d’Amérique auraient un modèle à venir présenter, une tradition occidentale à venir déployer. Si Pékin consent…
NB: Wen Jiabao a appelé à appliquer cette réforme, mais l’ANP (selon un agenda imposé d’en haut), ne l’a pas voté. Ce qui fait douter de l’unanimité du sommet, sur ce projet.
Sommaire N° 11