A la loupe : Le retour du mauvais lait

« Avec les prix alimentaires qui explosent et la pénurie en lait sur le marché chinois, la réapparition de faux lait en Chine est inéluctable », confiait en privé un patron de multinationale il y a quelques semaines. La prédiction n’a pas mis longtemps à se réaliser, avec des traces de mélamine retrouvées le 15/11 dans des yaourts à Xiangfan (Hubei), taux très supérieurs aux plafonds tolérés.

On assiste à un double mouvement contradictoire, où les autorités tentent de retrouver les produits suspects avec bien plus de volonté que lors de la grande crise de la mélamine d’il y a deux ans. Mais elles demeurent encore incapables de contrôler la production en amont – seule manière fiable de sécuriser la chaîne alimentaire. Dans le dernier incident, l’usine Xiangtan Yuanshan (Hunan) avait acheté au Qinghai un lait en poudre, soi-disant testé, en réalité additionné de mélamine (68mg/kg) : 824 palettes ont été écoulées entre Hunan, Hubei et Jiangxi— dont seules 345 ont été retrouvées.

Est-ce le fait du hasard, ou bien celui d’une administration souhaitant faire place nette avant l’orage?

Zhao Lianhai, père d’une petite victime du lait contaminé en 2008, va être libéré de manière anticipée de ses 30 mois de prison, pour raison médicale. Zhao avait été une des figures de proue des 300.000 familles de bébés empoisonnés en 2008 par le lait en poudre du groupe Sanlu, entre-temps disparu. Il avait été de toutes les actions en justice, guerroyant pour imposer la transparence et le droit aux familles de déposer individuellement plainte. Il avait fini par être inculpé pour avoir « cherché querelle et provoqué des troubles » en poursuivant l’action même après avoir touché sa compensation de 200², après la guérison de son fils, et après avoir s’être mêlé d’aider d’autres affaires sans lien (une femme violée, en l’occurrence).

Mais après sa condamnation le 10 novembre, plusieurs faits se produisirent, mise à part la réapparition de la mélamine au Hunan :

[1] 28 députés hongkongais à l’ANP intervinrent en sa faveur,

[2] Zhao renonça à faire appel, et au contraire congédia ses deux avocats, après avoir refusé de les rencontrer durant une semaine ;

[3] il signa au contraire une autocritique, reconnaissant ses fautes et la justesse du verdict encouru. Aussi le 23/11, la cour de Daxing (Pékin) énonçait à la fois la renonciation d’appel, et la demande de remise en liberté pour raison de santé.

L’incident est d’autant plus remarquable, qu’on apprend (20/11) qu’une offre similaire a été étendue à Liu Xiaobo, le Nobel sous les verrous. Sous ce même arrangement, Liu aurait dû se retrouver expulsé du pays (évidemment après le 10/décembre, date de la remise de son Prix). Mais il a refusé, selon son avocat, citant le Front Uni, section du Parti chargée de son cas. L’avocat précise sa volonté définitive de n’accepter aucune libération conditionnelle, ni de quitter le pays.

En attendant la suite, Liu semble devoir payer son refus de compromis par des conditions d’incarcération endurcies, partageant sa cellule avec cinq prisonniers de droit commun. Tandis que Liu Xia, son épouse, se retrouve assignée à résidence, privée de visites et même d’exercice hors du foyer. Pour s’alimenter, elle remet chaque jour une liste d’achats, qu’effectuent ensuite pour elle ses gardiens : c’est l’épreuve de force…

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
10 de Votes
Ecrire un commentaire