[1] En publiant 250.000 notes secrètes des USA, Wikileaks arrose bien des pays, Chine-compris, dont les leaders sont partagés entre la colère (à voir éclaboussée leur vie politique) et la stupeur en découvrant les manquements des autres, tel ce commentaire de l’australien Kevin Rudd, partenaire supposé, qui se retrouve «pincé» en train d’envisager avec Hillary Clinton, «au cas où tout tournerait mal» avec la Chine, de «recourir à la force». Parmi d’autres indiscrétions, l’ambassade américain révèle que Li Changchun, chef de la propagande, est l’homme derrière le hacking massif de 2009 contre Google, et qu’il l’a fait pour punir le groupe d’avoir hébergé des articles le critiquant, lui et sa famille.
Cette révélation incite Pékin à en faire une autre, pour se défendre : le régime a arrêté cette année 460 hackers sur son sol: signe de volonté de montée en responsabilité, mais aussi de prise de conscience que jouer avec le vent des hackers, c’est se préparer une fameuse tempête… Wikileaks prête encore à Li Keqiang (1er ministre pressenti à partir de 2012) l’aveu en 2007, que les statistiques chinoises manquent de fiabilité. Tandis que Jon Huntsman, l’ambassadeur américain est surpris à affirmer en 2010 que la Chine, faute de modestie et de flexibilité, «perd des amis à travers le monde»… Néanmoins, dans sa réaction à ces fuites, Pékin fait preuve d’une prudence indéniable en espérant publiquement que les relations sino-US n’en pâtiront pas : « On oublie tout çà », en quelque sorte…
[2] Avant la remise du Nobel de la Paix à Liu Xiaobo, en qui la Chine voit un «criminel», celle-ci se crispe dans un refus émotionnel. De 18 pays, elle avait obtenu qu’ils boycottent la cérémonie du 10/12, à Oslo. Bien sûr Liu, en prison, n’avait pu assister -sa chaise à Oslo resta vide, devant les cameras. Pékin avait aussi interdit tout intellectuel de sortie du pays. Ce faisant, il a bien réussi son pari, que nul Chinois ne surgisse pour représenter le lauréat. Mais cette victoire coûte en terme d’image, détruisant des années d’efforts pour s’imposer comme souriant partenaire et « soft power »…
Toujours dans l’espoir vain d’estomper la fête d’Oslo, Pékin tentait l’avant-veille de la remplacer par un prix de son cru, le «Confucius» doté d’une prime de 100.000¥. A la hâte, il l’avait décerné au politicien taiwanais Lien Chan, lequel, se disant non informé, n’était pas venu. Dans la confusion, le Prix était finalement recueilli par une fillette anonyme.
Climat glacial : entre Ouest et Chine sur ce point, nulle entente possible. Cela semble d’ailleurs un problème interne au Parti, d’impossible harmonisation de ses choix du passé avec ceux du présent, et d’un blocage dans lequel le monde ne peut la suivre. La Chambre des Représentants US votait (08/12) une résolution unanime honorant le dissident. Au moins, par cette vive réaction, Pékin confirme sa capacité à mobiliser derrière elle des dizaines de pays. Sauf la Serbie qui a fort hésité avant de la lâcher -Bruxelles la prévenait qu’un refus de partager ses valeurs, porterait un coup fatal à sa candidature à l’Union Européenne …
[3] Sur la même Europe, Pékin remporte par contre une victoire éclatante: l’OMC, l’organisation mondiale du commerce, assène un carton jaune au vieux continent, déclarant illégaux ses droits compensatoires antidumping sur les vis, gougeons et boulons chinois. Par ce bouclier qu’elle imposait pour 5 ans, Bruxelles prétendait mettre à mal un marché chinois de 575M².’ »
L’Union Européenne a 60 jours pour faire appel. C’est la 1ère victoire sur Bruxelles, d’un Pékin désormais juridiquement bien armé. C’est aussi indirectement, pour l’OMC à Genève, une façon de dénoncer le refus européen de reconnaître à la Chine le statut d’économie de marché.
On assiste donc à l’affaiblissement du réflexe et du droit des 27 à se protéger contre la Chine, leur 1er fournisseur manufacturier. Mais la situation n’est pas sans humour ni paradoxe : quelques années en arrière, du temps où la visserie chinoise souffrait en qualité, c’était Pékin qui imposait à l’import européen des droits anti-dumping…
Sommaire N° 40