Petit Peuple : Yangzhou – la redécouverte de la compassion

Sous les armées de voitures neuves du trafic chinois, sous les légions de chauffeurs néophytes, les accidents sont une plaie frappant toujours plus 2-roues et piétons, faute d’une paroi de fer pour amortir le choc, et faute d’attention. Souffrant d’une illusion anachronique, le Chinois attend toujours du socialisme qu’il prenne en charge tous ses besoins: la fourniture de son logis, de ses repas, de son emploi, et de sa sécurité quand il traverse la rue sans un regard sur le trafic…

Le 10/07 à Hanjiang (Jiangsu), se faufilant à moto entre rue et trottoir, M. She renversa Melle Cheng qui descendait du bus. Bientôt sur place, les agents constatèrent la responsabilité du motocycliste, qui devrait payer les frais de santé de la pauvre blessée.

Par chance M. Cheng-père, homme d’affaires aisé avait pu avancer les frais de l’opération, si sérieuse que les chirurgiens avaient d’abord réservé leur diagnostic. Ils avaient gardée deux mois la jeune fille, pour une facture de 10.000 yuans. She lui, était ressorti après quelques jours.

Seulement voilà, à la sortie de Cheng-fille en sept. le chauffard n’était pas venu faire une seule visite. Bien plus que le défaut de paiement, cette impolitesse révolta le père. En ce pays, face à la santé qui casse, tout le monde est solidaire. Famille, voisins, amis viennent porter un panier de fruit, des fleurs, un billet. L’obligation est encore plus stricte, si l’on est l’auteur de l’accident: toute tentative de se défiler de ce code d’honneur, prive son auteur de respectabilité.

Aussi Cheng-père s’en alla à la police, qui lui confia l’adresse du goujat assortie d’ un feu vert pour exiger son dû. Cheng perçut alors le sourire en biais de l’agent. She habitait Shatou, pauvre parmi les pauvres. Au poste, l’on doutait qu’il récupère son argent -même si pour défaut de paiement, le chauffard devait finir en prison, selon la loi…

Ce que Cheng vit à Shatou dépassa toutes ses attentes. La masure de brique crue était dépourvue d’eau, d’électricité, de meubles, de peinture. Fétide, elle portait des signes d’inondations fréquentes – le toit s’était effondré sur une des 2 pièces.

She étant encore absent, le père put tirer les vers du nez de la voisine : l’homme était au travail, coolie en entrepôt privé. Le soir, il portait vivres ou potions du jour chez ses parents (mal en point, souffrant d’hypertension et polyarthrite). Tout son maigre salaire y passait. Quoique plutôt joli garçon, il n’avait pu se marier, faute d’argent. Venant de passer la barre fatidique des 30 ans, il s’acheminait vers un célibat définitif. Alors arrive le motocycliste, sur sa machine encore toute tordue et rouillée de la chute de juillet. Il est maigre. Son visage buriné par les privations, le rend plus vieux et usé : seuls ses yeux brillants, sa chevelure noire de jais évoquent son vrai âge. A ce spectacle, Cheng sentit fondre sa colère, remplacée par une émotion, « neuf tours aux tripes » (回肠九转 « huí cháng jǐu zhuǎn »).

Oubliant son bon droit, son pouvoir de liberté ou de prison sur ce pauvre type, il ouvrit sa bourse et vida dans ses mains 1700¥, tout ce qu’il avait sur lui. Plus question d’exiger les frais d’hôpitaux de sa fille : au contraire, il commença à préparer avec lui une demande d’aide sociale, et promit de revenir pour l’aider de temps en temps.

Pourquoi tout cela ? Parce que Cheng, en ses jeunes années, s’était retrouvé en mauvaise passe, et avait été aidé par un inconnu, à repartir du bon pied.

Cette histoire a fait son chemin jusqu’au journal local, prouvant qu’elle frappe les gens par son aspect exceptionnel. Elle révèle aussi à quel moment de sa maturation se trouve la Chine : celui où altruisme et compassion refont surface, dans le sillage de la prospérité retrouvée !

 

 

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