75 jours après, l’attentat nord-coréen contre la corvette Cheonan (26 /03), émet toujours des ondes de choc résiduelles. Pour n’avoir plus osé évacuer la base américaine d’Okinawa (VdlC n°21), il fait tomber le 1er ministre nippon Yukio Hatoyama. Il cause peut-être la disgrâce à Pyongyang (7/06) du 1er ministre Kim Yong-il et du n°2 de la Commission nationale de défense Jo Myong-rok (relayés par des hommes du sérail, Jan Song-thaek beau-frère du «cher leader» et Choe Yong-rim, 81 ans, compagnon de son père). Peut-être aussi l’incident grave à la frontière—on y reviendra.
Surtout, il réveille la vieille méfiance entre militaires américains et chinois – ceux-là refusant désormais tout dialogue. Les 5-6/06 à Singapour en marge du colloque stratégique IISS Shangri-La, Robert Gates Secrétaire à la Défense rencontrait Ma Xiaotian, vice Chef d’état-major de l’APL, qui venait de refuser de le recevoir à Pékin après ce sommet (VdlC n°21). Ma réitérait les raisons du désaveu d’une invitation vieille d’un an:
[1] les 6,4MM$ de vente d’armes à Taiwan en 2009,
[2] les missions américaines d’écoute aériennes et maritimes hors des eaux souveraines et ƒ l’embargo aux ventes à la Chine de haute technologie. Quoique vieux de 20 à 50 ans, ces griefs puissamment théâtralisés incitaient le général Ma à soupçonner les USA de voir en la Chine un « ennemi » !
Toutefois cette mise en scène-même fait envisager d’autres raisons à cette réticence à rencontrer l’US Army. Tel le souhait d’éviter tout échange sur la modernisation de l’APL, l’armée chinoise, ses intérêts matériels dans l’alliance avec la Corée du Nord, ou sur les limites de son désir d’en brider la course nucléaire.
Lors d’une récente conférence de presse sur la Corée, un porte-parole du ministère des affaires étrangères renvoyait un journaliste vers le Secrétariat international du Parti, où l’APL est puissante : c’était l’aveu implicite que la compétence sur la Corée du Nord échappe aux diplomates pour être exercée par le Parti et l’armée !
L’APL a d’autres raisons à ce «black out». La visite de Hu Jintao aux USA a été mal vue par les militaires, craignant qu’il ne brade l’intérêt «planétaire» de la nation,qui diverge suivant le lieu d’où l’on se place: pour l’APL, la percée de sa marine vers les océans Pacifique et Indien; pour le Conseil d’Etat, la coopération pour sortir de la crise ou décarboniser l’économie.
Au demeurant, la méfiance ombrageuse qui se renforce envers l’Amérique est aussi à l’oeuvre sur l’autre rive du Pacifique, au Parti républicain par ex., qui soupçonne Obama, envers Pékin, de cette même mollesse dont l’armée taxe Hu Jintao envers les USA.
Mais en refusant de dialoguer avec les USA, surtout sur la Corée, l’APL lâche un indice sur son rôle politique empiétant sur les compétences du Conseil d’Etat. Et elle exprime une sensibilité patriot» parfois exacerbée, par-fois teintée de ses intérêts de corps…
Sous ce vent contraire, la diplomatie chinoise avance «en crabe», en zigzag. Face à l’Iran, elle accueille sur son sol le Président Ahmadinejad au moment-même (9/06) où elle vote au Conseil de Sécurité les sanctions contre lui. Il la fustige en retour, l’informant qu’elle perd «son image respectable dans le monde islamique».
Face à la Corée, elle dénonce la tuerie de ses trois citoyens sur la rivière Yalu (4/06) : deux incidents inexplicables et rarissimes. Puis elle sauve la mise, suggérant que les Coréens auraient cru à un cas de contrebande, et Pyongyang s’excuse, promettant de châtier ses gardes-frontière.
Tout cela laisse l’image d’une Chine tendue, aux forces internes pas si unies, aux alliances conjoncturelles voire contradictoires, basées sur le pétrole, le verrouillage de la péninsule coréenne … considérations tactiques plus qu’idéologiques ou morales, condamnées avec le temps à tomber en obsolescence !
Sommaire N° 22