A 57 ans, Xi Jinping vient de franchir la dernière haie le séparant du pouvoir suprême en 2012 : la plus difficile sans doute. Cela fait deux ans qu’il attendait cette promotion comme n°2 de l’armée, (CMC) un pouvoir occulte mais décisif en Chine populaire. Il l’attendait dans l’ombre de Hu Jintao, l’actuel président, séparé de lui par leurs chapelles politiques, voire par leurs idées – Hu est conservateur, et Xi passe pour plus ouvert !
Né en 1953, Xi Jinping est l’archétype du «petit prince», fils de l’aristocratie du régime. Ancien héros de la révolution, son père Xi Zhongxun a été gouverneur, Vice-1er et surtout un des architectes de la réforme économique, très écouté de Deng Xiaoping, patron de la zone économique de Shenzhen à ses débuts: détesté par les Rouges, adulé par les libéraux. En général, ces enfants du sérail sont jalousés par l’appareil, qui ne leur pardonne pas leurs faux pas. Xi débuta donc sa carrière à 16 ans au Shaanxi, en pleine Révo’Cul’ qui força son père en rééducation à la campagne voire en prison. Lui-même évita tel sort, mais dut apprendre pour sa survie, à éviter de se faire des ennemis.
Membre du Parti communiste chinois dès 1974, il poursuit sa carrière, grâce à son père réhabilité, dans les régions riches de Shanghai et du delta du Yangtze. Il s’y fait un réseau de futurs milliardaires et de cadres en disgrâce qui vont progressivement refaire surface, futurs alliés.
Sa chance vient de sa proximité à Jiang Zemin, replié en 2002 sur Shanghai après 10 ans à la tête de l’Etat. Depuis 1990, Jiang et son successeur Hu étaient en conflit. En 2007, Hu avait fait tomber Chen Liangyu, chef du Parti pour Shanghai et vassal de Jiang : toujours influent, ce dernier parvint à le faire remplacer par Xi Jinping, avant de l’imposer en 2008 comme successeur de Hu Jintao. C’était sa revanche, brisant ainsi son rêve de se voir succéder par son dauphin Li Keqiang.
Quoique 15 ans plus jeune, Xi est ancien garde rouge comme Hu. Il est docteur de Tsinghua, la meilleure université. Mais le diplôme lui aurait été octroyé pour le « chauffer » aux plus hautes destinées, plus que pour ses brèves études effectuées à mi-carrière.
Xi est aussi patron d’une tendance minoritaire au sein du parti : celle de ses frères en destinée, du « gang des petits princes » (太子帮). Il a aussi d’étroits contacts dans l’armée, du fait de son mariage avec Peng Liyuan, célèbre chanteuse dans la troupe de l’APL, au rang de générale, et après avoir servi dans sa jeunesse sous divers officiers appelés à des avenirs au niveau suprême.
Il est bien vu de l’étranger – il comprend l’anglais, et a cette image d’un homme à l’aise dans les milieux d’affaires. C’est aussi un homme au franc-parler, ayant su s’exprimer crûment contre les USA au Mexique l’an dernier : « j’en ai m[…], de ces étrangers critiquant la Chine même quand elle ne fait rien »…
Politiquement, c’est un homme extrêmement protégé et à ce titre, mystérieux comme tous ses prédécesseurs. Des voix affirment qu’entre Fujian et au Sichuan, à la fin du siècle passé, il aurait roussi ses ailes au contact de cadres corrompus, ce qui lui aurait valu deux années de pause dans sa carrière, ne redémarrant que grâce aux appuis de son père…
Un autre mystère, est celui de sa menace supposée de démission, et d’exigence d’être le rédacteur du XII. Plan. Aujourd’hui, on voit pourtant qu’il n’a pas renoncé à la charge, mais que le Plan est vide de mandat d’ouverture… l’avenir permettra sans doute de voir plus clair sur ses projets réels pour ce pays.
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