Entre Chine et Japon, les rapports ont rechuté au niveau le plus bas depuis 2005, du temps où J. Koizumi, le 1er ministre de l’époque, insistait pour effectuer ses visites nationalistes au sanctuaire négationniste de Yasukuni.
Des 14 au 16/10, étudiants et citadins de cinq villes du centre (Xi’an, Chengdu, Mianyang…) ont multiplié les manifs anti-nippones, ayant rassemblé jusqu’à 30.000 personnes, émaillées d’incidents (vitrines de grands magasins lapidées) et de slogans xénophobes («éradiquer le Japon»).
A Pékin, un porte-parole déclara «pouvoir comprendre» ces débordements d’une minorité cocardière, vu «les erreurs récentes» de Tokyo. Fait étrange, ces débordements interviennent, après que les contacts aient repris au niveau ministériel (4/10, 11/10) pour tenter de résorber la tension.
Tout cela fait suite à la crise lancée le 4/09, quand le Japon arraisonna un chalutier chinois près des îles Senkaku/Diaoyu dont Pékin conteste la propriété.
Le magazine japonais Area finit par révéler (18/10) l’existence d’un pacte secret de 2005 (démenti entretemps par la Chine) ou Tokyo s’engage à ne pas arraisonner, et Pékin à retenir les va-t-en-Senkaku chinois. En ce climat tendu, peu de choses suffisent pour réveiller les animosités: telle la petite phrase du 1er Min. Naoto Kan (14/10), pour qui la libération de Liu Xiaobo serait «souhaitable», quoique la Chine insiste pour qualifier de «malfaiteur» le Nobel incarcéré.
L’escalade se poursuit : devant la Diète japonaise, S. Maehara, le bouillant ministre des affaires étrangères, qualifie le comportement général de la Chine d’«extrêmement hystérique» (sic), provoquant la colère prévisible de Pékin le lendemain. Sh. Abe, ancien 1er ministre assimile la montée des appétits territoriaux chi-nois au principe nazi du «Lebensraum» (espace vital), sans penser au concept équivalent de doctrine Monroe, en vigueur depuis près de deux siècles aux USA et fort moins blessant. Comme par rétorsion, dès le 21/10, la Chine dépêche une vedette garde-côte dans la région…
Cela dit, les deux pays donnent également des signes de contrôler soigneusement les provocations et la «diplomatie du porte-voix». Tout en déplorant les incidents et demandant à la Chine d’assurer la sécurité de ses concitoyens sur le sol continental, Kan fait appel à la « raison » des partenaires. Surtout, le ministre des affaires étrangères Yang Jiechi reçoit (19/10) son « vieil ami » Satsuki Eda, ancien président du Conseil, et proche de Naoto Kan pour préparer deux nouvelles rencontres entre les premiers ministres, lors du 13ème sommet de l’ASEAN à Hanoi, du 28 au 30/10.
Il est temps, des suites désagréables commençant à apparaître. Tokyo commande huit nouveaux sous-marins et réfléchit à une base navale dans l’archipel. Au 18/10, les compagnies aériennes nippones déclarent 11.000 annulations de billets entre les pays, dont les deux tiers vers la Chine. Un recul identique est probable chez les transporteurs chinois après l’avertissement de l’administration du tourisme, suite à la molestation d’un bus de Chinois à Fukuoka (29/09).
Une explication de cette exacerbation de la tension est proposé par Zhang Yunling, Professeur à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) : « les relations bilatérales s’étaient fort embellies ces dernières années, surtout sous le gouvernement de Y. Fukuda. Mais cette année, la Chine s’emballe économiquement et vient de dépasser le Japon, qui a bien du mal à l’admettre : d’où son repositionnement présent »…
Sommaire N° 34