Le conflit commercial qui couve entre Chine et Etats-Unis vient probablement d’être évité.
Le congrès américain (le député Ch. Schumer) et derrière lui la presse, les vieillissantes industries et les 8 millions de nouveaux chômeurs, accusent Pékin du blocage depuis mi-2008 de sa monnaie à 6,83¥/1$ («25 à 40% sous-évalué»), de subvention des exports et de discrimination des firmes étrangères sur ses marchés publics. Jusqu’à la semaine passée, un compte à rebours tournait : le Secrétaire au Trésor T. Geithner devait le 15/04 conclure une enquête déclarant la Chine «manipulatrice du ¥uan». Puis les USA émettraient des taxes compensatoires sur ses exports.
Or le processus semble avoir été enrayé—d’un commun accord. Pékin, tout en clamant dans sa presse ses droits et sa position de force, cachait mal l’inquiétude d’affronter les conséquences sociales suite à la perte de 20 à 30% de ses exportations. Obama ne pouvait ignorer sa vulnérabilité, alors que le déficit US atteint désormais 1000MM$/an, dette massivement aux mains chinoises.
Aussi début avril, le Président prit trois initiatives :
[1] Le 2/04, il échangeait par tél. une heure avec Hu Jintao (depuis son avion Air Force One) pour briser la spirale des hostilités : l’assurer de la volonté de négocier, confirmer les tête-à-tête futurs (12/04 à Atlanta en marge de la conférence nucléaire, mai à Washington pour le sommet annuel sino-US), et surtout, selon la boutade de l’économiste N. Lardy, « faire retourner la guillotine en coulisses », retarder l’échéance des sanctions.
[2] Le 6/04, Geithner annonçait le report à l’été du fameux rapport sur le Yuan, et sa confiance que cette monnaie allait bientôt renforcer sa présence dans les institutions monétaires (FMI, Banque Mondiale), et faire un pas vers la convertibilité en permettant un change conditionnel avec le Won coréen et le Rouble.
[3] Surtout, le 8/04, Geithner faisait une escale non annoncée à Pékin. Geste rare, Wang Qishan, vice 1er et «pape» de l’économie chinoise, le reçut 75 minutes à l’aéroport de Pékin (Geithner revenait d’une visite en Inde), avec un seul aide de chaque côté. Côté USA, c’était David Dollar, le bien nommé, haut cadre en poste à Pékin pour gérer ce litige. Il faut savoir que sur la question du «peg» du yuan au $, Wang est allié de Zhou Xiaochuan, militant pour un démantèlement rapide de ce mur d’argent puisque la récession « est presque passée ». Son adversaire est logiquement Chen Deming, ministre du commerce qui confirme (8/04) un déficit commercial chinois pour mars et réaffirme la fragilité de la reprise de son pays, justifiant le maintien de la cuirasse protectionniste et de sa thèse immuable: c’est le marché et la politique d’ouverture, non les taux de changes, qui ont permis à l’export chinois de monter de 45,7% en février et 21% en janvier 2010!
La rencontre Geithner-Wang n’a pas donné de résultats officiels. Mais bourse et milieux financiers en tirent leurs prédictions : le MofCom, le ministère du commerce, n’a plus le vent en poupe, et la Chine va vers une réévaluation de 1% à court terme, et une marge de fluctuation amplifiée sous trois mois, de manière à permettre une réévaluation de 3 à 5% dans l’année.
De toute manière, la Chine n’a qu’un sursis, et va devoir agir—vite. La preuve : les droits anti-dumping que les USA viennent d’infliger le 9/04 (33 à 99%, selon firme) aux tubes d’acier chinois…
Sommaire N° 14