Temps fort : Santé : deux coups de tocsin

Deux plans d’urgence viennent d’être annoncés au ministère de la santé, qui jettent un éclairage préoccupant sur l’évolution de la santé des Chinois.

[1] Yin Li, le vice-ministre, annonce la construction ou rénovation de 550 hôpitaux psychiatriques sous deux ans : réponse de l’Etat aux récentes épidémies d’infanticides, et de suicides chez Foxconn, à Shenzhen, de mars à mai.

C’est un retournement historique. Dès les années ’50, Mao réprimait la psychiatrie, «décadente» et la maladie mentale, «bourgeoise». Fin 2008, la Chine n’avait encore que 598 hôpitaux (pour 23% de l’humanité) et 16.383 « psys », dont 4000 diplômés—1/3 de la moyenne mondiale. Même Canton laissait sans soins 90% de ses déprimés, maniaques ou schizophrènes, à charge des familles.

Négligé, le mal se vengeait en proliférant. En 2010, la Chine compte 100M de malades mentaux, dont 16M de cas graves. En dix ans, les admissions aux hôpitaux à doublé (700 au lieu de 300). Et c’est la folie qui coûte le plus cher à la santé publique, avant les troubles cardiaques, respiratoires et les cancers. Et 82% des crimes auraient été évités si leurs auteurs, malades, avaient été soignés.

Mais le vent tourne. L’épidémie présente de violences irrationnelles, infanticides et suicides a donné l’alarme. En plus de ces hôpitaux neufs, depuis février, le ministère impose un centre « allo-psy » par province, dans le but avoué d’identifier et d’isoler les cas les plus dangereux…

[2] Un plan décennal est présenté le 22/06, contre la syphilis qui avait été éradiquée dans les années ’50, pour réapparaître dans les années ’90. Pendant ces 40 ans de traversée du désert sexuel, le moyen principal de lutte – non durable – avait été l’abstinence. Depuis, l’appel du corps a repris ses droits (seuls 3 jeunes adultes sur 10 arrivent vierges au mariage), mais sans information préventive, ni lutte contre la stigmatisation des malades. Ces derniers n’osent se faire soigner ou se rendent chez des charlatans. La suite est mathématique: en 2009, 327.433 cas furent enregistrés (+17%), dont 10.757 à la naissance. 9,1% des homosexuels, 2,4% des 6 millions de prostituées sont porteurs. Or, la syphilis, par ses ravages sur les nerfs et le coeur, compte en Chine parmi les cinq plus graves maladies contagieuses, si non traitée.

Le plan de lutte reprend les recettes bien connues ailleurs : sensibilisation des groupes à risques, conférences, émissions TV et sur internet, distribution de préservatifs, formation de médecins, et inscription de la pénicilline sur la liste des produits remboursés par la sécurité sociale. Le ministre Chen Zhu se donne cinq ans pour enrayer la progression, et cinq autres pour éradiquer les cas existants.

Ces deux plans ont un point commun : ils sont lancés en urgence, les maladies ayant atteint le cap du supportable. De gros moyens sont alors engagés, au risque de se détourner de l’essentiel : la prévention et le déploiement de l’assurance maladie.

A ce qu’il semble, médecins et patients d’aujourd’hui commencent à payer pour 20 à 30 ans d’imprévoyance de leurs aînés. Tandis que tapies dans l’ombre, d’autres pathologies très chères à soigner comme obésité-diabète, attendent leur jour, pour priver les Chinois du fruit si péniblement amassé de leur croissance !

 

 

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