A la loupe : À Hong Kong – soudain la nouvelle donne

Très logiquement, c’est en pleine confusion que les élus de Hong Kong votèrent par 46 contre 13 l’amendement à la Constitution et au système électoral (23-24/06).

Depuis le retour à la patrie en 1997, l’opposition se bat pour obtenir, selon la promesse de Pékin, des élections directes dès 2012 pour les 60 députés du « Legco ». Les Hongkongais n’ont à cette heure le droit d’en élire que 30, les autres étant cooptés par les guildes, associations professionnelles – un tout petit nombre de privilégiés. Elle réclame aussi le suffrage universel dès 2017 pour élire le chef de l’exécutif, aujourd’hui désigné par un collège de 800 grands électeurs fort obédients aux désirs de Pékin.

Depuis ces 12 ans, le blocage était total, entre les trois acteurs de ce jeu politique figé dans ses principes irréconciliables:

– la rue et les intellectuels, coalition libertaire-autonomiste autour du Parti Démocratique (PD),

– les propriétaires-patriciens autour du DAB, parti conservateur, minoritaire en voix mais « cheval » de Pékin, au pouvoir avec le cabinet de Donald Tsang,

– et la Chine, qui joue le jeu de l’autonomie limitée (celui du principe « un pays deux systèmes »), mais reste très présente en sous-main.

Pékin imposait à Hong Kong un refus de toute concession démocratique -craignant un retour de flamme en Chine, à commencer par Canton. Les milieux d’affaire aussi, s’accrochaient à leurs privilèges de tenir le « Rocher » et son Parlement, sans s’astreindre au système électoral.

Or le 21/06, tout change. Sur ordre de Hu Jintao, Donald Tsang lâche une bombe, sous la formule de «un être, deux votes»: 10 sièges supplémentaires au Legco, tous au suffrage universel dont 5 « de districts » et 5 issus des listes des guildes, mais à faire élire par les 3,2M d’électeurs hors district.

De la part d’un socialisme refusant depuis 20 ans de discuter avec les démocrates, la concession n’était pas mince : elle diluait le système haï des guildes, et en annonçait la fin. Mais pour ses détracteurs elle n’offrait aucune garantie de passage réel à la démocratie.

Pourtant, après énorme hésitation, le Parti démocratique franchit le Rubicon en saisissant la main tendue.

Ce fut immédiatement une révolution, dynamitant tout le paysage politique local. Les mini-partis les plus engagés dans la lutte démocratique, comme le Parti Civique ou la Ligue social-démocrate s’enflammèrent, et au Parti démocratique-même, des leaders historiques comme Martin Lee ou Andrew Cheng donnèrent leur démission, incapables de supporter l’idée d’une collusion avec Pékin et d’autre idéal à terme, qu’une vie sous un modèle politique non-occidental.

Dans les jours précédant le débat, les partisans des deux bords se rassemblaient devant l’hémicycle, et les opposants tentaient en vain d’obtenir un «report» du débat sous prétexte d’ «informer davantage la base».

Une fois le vote obtenu, une nouvelle situation se décante. Convoyant le message d’un Pékin aux anges, le DAB (Democratic Alliance for Betterment) des financiers se dit prêt à « discuter » avec le Parti démocratique et la Chine de la suite du dialogue après 2012, et le Parti démocratique ne dit pas non.

Se relève de la table d’opération un nouveau corps politique plus mature, avec une droite (DAB), un centre (PD) et la gauche des petits partis. Tandis que Pékin apparaît prête à jouer avec deux alliés au lieu d’un, et négocier la suite de la démocratisation avec eux. On constate deux victimes: les deux extrêmes, DAB et les petits partis. Ainsi que, en Chine, les conservateurs jusqu’au-boutistes. Mais en épilogue, c’est le compromis raisonnable qui semble avoir gagné ici, et le seul avenir possible (sous réserve de d’inventaire) !

 

 

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