A la loupe : À Taiwan— le « baiser de l’ours »

Tel que présenté à la presse (24/06), l’ECFA, accord-cadre de coopération économique sino-taiwanais est de ceux que même en rêve, l’île ne pourra refuser. Un accord non frappé au coin de la réciprocité.

Sur 539 lignes de produits parmi ses plus forts exports (des pièces auto à la chimie fine en passant par les textiles), Pékin renonce à 13,84MM$ de taxes, mais Taiwan, sur 267 positions tarifaires excluant son agriculture, à seulement 2,86MM$. En 2013, tout droit aura disparu. Dans les services, la Chine se voit offrir 9 secteurs d’affaires, dont cinéma et loisirs, et Taiwan 11 secteurs dans les hôpitaux, assurances, l’internet, la maintenance aérienne et la banque, qui pourra travailler en RMB après un an de stage sur le continent. Tout ceci débouchera pour Taiwan (selon un centre de recherche) sur 260.000 emplois nouveaux et 1,7% de croissance supplémentaire par an.

Immense perdant dans cette affaire, le DPP indépendantiste crie à la capitulation et à l’infraction à l’OMC (car Corée et Japon feront les frais de cet accord préférentiel). Prédisant la perte de 1,6M d’emplois sous le flot de biens chinois bon marché, le DPP tentait (27/06) d’organiser le refus avec une manif de 100.000 mécontents.

Soumis à Taipei par Chiang Pinkung et Zhen Lizhong -les négociateurs des 2 rives du détroit, cet accord taillé à la serpe en quelques mois sera signé à Chongqing le 29/06, et devra être approuvé au Yuan Législatif (parlement insulaire), où le KMT nationaliste, parti au pouvoir, dispose d’une écrasante majorité.

Autre effet possible de l’accord: une remontée dans les sondages de Ma Ying-jeou, l’actuel Président et auteur de cette politique de réconciliation, qui perdait en popularité ces derniers mois, plutôt malmené. Cette embellie pourrait lui faire gagner haut la main les municipales du 27/11, voire les présidentielles de 2012, comme le soupçonne Tsai Ing-wen, présidente du DPP…

Ce qui ne fait nul doute: l’accord reflète un choix déli-béré de Pékin d’acheter les coeurs taiwanais, sans regard pour le coût, comme l’affirme Lin Chong-pin, professeur à l’université Tamkang de Taipei: « c’est une offensive de charme pour couper les ailes de l’opposition». D’autres l’appellent joliment« le baiser de l’ours »…

Consistant avec l’objectif stratégique de Pékin, 3 jours plus tôt Li Jiaxiang, directeur de la CAAC annonçait à Xiamen huit aéroports neufs ou rénovés en zone côtière, et un renforcement des liaisons vers l’île—de 40 vols/jour en mai à 60 (420/semaine), assorties d’une baisse de tarif de 10 à 15%. Ce qui se traduira pour Taiwan par un accueil d’1 million de touristes continentaux, soit +70% dans l’année. Tout ceci plonge Taiwan durablement dans des affres de conscience, genre «le loup et le chien » (La Fontaine). Prix à payer pour tourner une vieille et stérile page de 60 ans de dos tourné au continent !

 

 

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