— Au marché des fleurs de Laitai (Pékin), le jeune homme en costume blanc et Borsalino arriva à l’heure la plus discrète, à 2:00 du mat le 13/8, pour passer à m. Liu, du stand n°5, la plus grosse commande de sa vie: 1M de roses. Pour prouver son sérieux, il ouvrit une mallette de grosses coupures, pour payer d’avance… Liu objecta qu’un tel nombre de roses n’existait pas en Chine : l’acheteur transigea alors à 99.999 roses, à livrer avant 18:00. Le secret devrait être gardé, ou le marché était caduc! Le dandy à peine parti, Liu recruta 10 collègues partis dévaliser le marché de gros de 110.000 roses, presque tout l’arrivage de la capitale. Tout le jour, ils trièrent les plus belles, et discrètement, livrèrent toute la journée à la barbe des paparazzi ameutés. Liu finit par les semer en leur donnant, pour tout potage, un faux n° de portable. Entre-temps dans Pékin, le cours de la rose avait triplé ou plus, aux imprécations des amoureux et des marchands incapables de satisfaire la demande… Ce n’est que 48h après, qu’un reporter finit par retrouver le lieu de la fête : Qian Gui, un karaoké de luxe. Les roses avaient servi à l’anniversaire d’une fille, dont le nom, comme celui du soupirant, restèrent dans l’ombre.
La presse du coeur eut plus de chance, face à l’énigme du nombre extravagant des fleurs achetées. La suite des chiffres « neuf » est traditionnellement propice, et rappelle (moins une unité) la devise de 爱情万岁aiqing wansui, « vive l’amour » (littéralement : « dix mille années à l’amour »). Mais pourquoi l’unité en moins? Parce que l’unité 万, 10.000, symbolise le Ciel, et que même l’empereur avait limité sa Cité interdite à 9999 salles et demie, histoire de ne pas offenser les Dieux. A cette lumière, l’extravagance du playboy s’explique mieux : avec 99.999 roses, il se voulait aussi pieux que l’empereur, mais dix fois plus grand que lui!
Sommaire N° 28