— Un couple de journalistes de Chengdu a trouvé une réponse fulgurante à la question ‘pour son enfant, quel futur’? En 1975, au soir d’une Révolution culturelle qui l’avait privée de sa chance d’études, Liu Weihua, enceinte, avait été conquise par le livre de Carl Vetter, obscur pasteur allemand du XVIII, qui prônait une éducation dirigiste, intensive, axée sur l’attention et la morale. Dès l’ âge tendre de 15 j, la petite Yiting débuta son apprentissage par des massages “stimulatoires des sens”, suivis par un monologue à toute heure de veille, “bain verbal libérateur d’intelligence”. L’école se fit spartiate à tous niveaux. Au mental, pour vaincre ses lacunes en math, elle dut recopier d’interminables pages des numéros de tél de l’annuaire local. Au moral, en cas de caprice, elle dut s’auto confesser (à la mode protestante), dans son carnet intime. Au physique, une discipline tirée pour moitié de Prusse, pour moitié de l’ancien Testament, lui imposa des heures de natation, la fonte de glaçons dans ses quenottes bleuissantes, et des corvées tout son saoul.
Le résultat fut en 1999, une bourse à Harvard et pour les parents, un best seller qu’ils vendirent à 3M d’ex. -la Chine s’exaltant sur ce cas de 书中 有黄金屋 shuzhong you huangjin wu, «la maison d’or, grâce au diplôme». De cet engouement inouï pour le livre, on se demande si le ressort est bien cette recette de bachotage : à cause de sa férocité, la recette reste hors de portée des gens normaux, à moins de changer l’espèce humaine, ce à quoi Mao lui-même échoua. La vraie raison pourrait être ailleurs, dans une demande inavouable mais très puissante chez beaucoup de gens en Chine : celle de retrouvailles avec une vie mi-morale, mi-spirituelle, trempée à des foi aussi ardentes que celle du pasteur teuton !
Sommaire N° 13