Avant le Chunjie, les plus pauvres des 3,7 millions d’habitants de Liuzhou buvaient au robinet. Mais depuis le 15/01, quand les tests révélèrent une teneur en cadmium 80 fois supérieure au plafond légal de 0,005 mg/l, tout le monde se jeta sur les bombonnes. Dix jours plus tôt, au moins 20 tonnes d’effluents de ce métal avaient été secrètement déversés dans la rivière Long. C’était en Chine la plus forte contamination aux métaux lourds de tous les temps, les 3/4 des rejets nationaux de 2011 en cadmium, cancérigène grave, inhibant les fonctions rénales et hépatiques.
Découvrant des tonnes de poissons morts à la surface, le bureau de l’environnement de Hechi n’a pu que constater la catastrophe: la mort de centaines de fermes d’aquaculture, sur les affluents en aval, telle la Liu, réservoir en eau potable de Liuzhou, en contact avec le delta des Perles (Guangdong).
Aux riverains comme aux planificateurs, l’accident pose un nombre de questions dérangeantes.
[1] D’où vient la contamination ? Sept cadres ont été emprisonnés – soupçonnés d’entente pour déverser en même temps leurs effluents pendant les fêtes, afin de brouiller les traces par un délit collectif. Au 21/02, près d’un mois plus tard, la police nationale confirmait l’hypothèse en inculpant trois cadres du groupe minier Jinhe , cinq de l’usine de galvanoplastie Jinchengjiang, tout en annonçant des poursuites contre quatre autres.
[2] Pourquoi avoir perdu deux semaines avant de donner l’alarme ? Une telle pollution ne pouvait passer inaperçue. Mais par inaction (peur d’assumer?), une nappe mortifère de 100 à 300km selon les sources, s’est diluée en route vers la mer.
[3] En dépit des propos rassurants de Zheng Junkang, le maire de Liuzhou, et de Xu Zhencheng, un des patrons de la cellule de crise (« la concentration en cadmium dans la section… restera dans la teneur officielle »), les moyens de lutte n’ont pas convaincu.
Bloquer la Liu derrière le barrage de Honghua (500millions de m 3 stockés au 31/01) est le contraire de la pratique normale en telle catastrophe : ouvrir les vannes, est le plus rapide moyen d’assurer la dilution. Idem, le traitement au chlorure d’aluminium (qui précipite le cadmium) est efficace, mais les 3000t déversées, avant d’arriver à épuisement des stocks, n’ont permis de traiter qu’environ un tiers du poison.
[4] Surtout, les autorités (centrales) réalisent aujourd’hui que ce sous-sol quartzique poreux, où une table aquifère abondante connecte bien des cours d’eau, n’est pas un bon socle pour une industrie de métaux lourds. Or celle ci est pourtant très présente dans le Guangxi. Pourquoi, demande la presse, les règlements ont-ils été ignorés, les licences accordées en l’absence d’études d’impact sur l’environnement ?
Pour l’heure, les sept usines soupçonnées sont immobilisées et 11 autres, ordonnées en urgence de repenser à fond leur réseau de retraitement des effluents. Mais au plan local et national, des leçons fondamentales sont à tirer.
Le ministère de l’Environnement rappelle alors que « 50% des rivières et des lacs du pays sont inaptes au contact humain » et que ce type d’accident, à plus faible échelle, est monnaie courante. Rappel cruel du chemin qui reste à parcourir – de l’éveil en général, encore en souffrance.
Sommaire N° 4