Rarement rencontre sino-européenne atteignit une telle tension, ce 31/05 à Bruxelles. Le ministre chinois du Commerce
Chen Deming négociait avec la Commission et surtout indirectement, avec ses 27 collègues des Etats membres pour tenter de régler de lourds contentieux.Le 10/05 encore, le commissaire K. De Gucht menaçait les industriels chinois d’un règlement leur fermant les marchés publics communautaires si Pékin excluait encore des siens les firmes des 27. Un autre litige touchait aux subventions aux exportations chinoises, papier glacé ou équipements télécom. De Gucht envisageait des enquêtes ex officio contre Huawei et ZTE – à lancer au nom propre de la Commission, sans plainte d’Alcatel-Lucent ouNokia-Siemens, les groupes lésés (afin de leur éviter des rétorsions chinoises).
Cependant le 31/05, la position de l’Union Européenne s’était assouplie. Le règlement « marché public » n’était plus évoqué. L’option d’actions ex officio demeurait, mais De Gucht souhaitait obtenir d’abord un mandat des 27 ministres (facultatif en droit communautaire). Enfin, d’accord avec Chen, De Gucht visait désormais un accord de protection des investissements pour réaliser l’égalité de traitement des fournisseurs de biens et services dans les deux blocs. Son problème, mise à part la durée nécessaire pour l’obtenir (le Canada, qui vient d’en signer un avec Pékin, a mis 20 ans), est celui des « disciplines », des conditions à inscrire dans ce traité, et de la capacité chinoise à les honorer.
La raison de la souplesse de De Gucht tient à ce que les marchés publics d’avenir sont en Chine plus qu’en Union Européenne : Bruxelles, qui le sait, préfère éviter de braquer le partenaire. De plus, avec la crise, l’Union Européenne perd en cohésion. Au dernier sommet européen, le froid a été parfaitement perceptible entre la Chancelière A. Merkel (soutenant N. Sarkozy )et le Président F. Hollande. L’union souffre aussi d’un déficit visible de prérogatives : Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne, réclame d’urgence une assurance bancaire des 27, pour rassurer les déposants…
En face, Chen Deming, dos rond, mania carotte et bâton. « Ignorant tout » des plaintes des équipementiers européens, il proposa de limiter réciproquement les rétorsions. Au demeurant, la Chine se défendrait si nécessaire, ayant déjà prêtes ses frappes contre divers secteurs « protectionnistes » de l’Union Européenne. Via le fonds CIC (China Investment Corporation), elle dénonçait aussi des « discriminations invisibles » en Europe, dans le secteur nucléaire.
Enfin durant cette session, l’Union Européenne reçut à tout le moins un atout précieux, fourni par sa Chambre de commerce en Chine, qui publiait son sondage annuel de ses entreprises expatriées (représentant un investissement global de 80 milliards de $). Leur apport d’Investissements directs étrangers (IDE), de janvier à avril, venait de baisser de 28% sur 12 mois à 1,9 milliards de $, et 22% d’entre elles envisageraient de se désengager du pays sous 2 ans. Alors que la Chine s’apprête à relancer son économie, telle tendance ne fait évidemment l’affaire de personne, et rebâtir un cadre réglementaire et juridique équitable, apparut un objectif souhaitable aux deux parties.
Savoir comment Chen pourra le vendre, de retour à Pékin, est une autre affaire : face à une majorité tentée de faire payer par l’extérieur le poids de la crise —en dévaluant, par exemple !
Sommaire N° 20