Depuis la tentative d’arraisonnement de pêcheurs chinois par la marine philippine le 10/04, Manille et Pékin s’affrontent pour la propriété d’un récif au large de la province philippine de Palawan, connu des marins comme banc de Scarborough. Le conflit risque de dégénérer en acte militaire.
L’avant-dernier incident, le 03/05, était la « philippinisation » unilatérale du nom du site en « banc de Panatag », auquel Pékin opposait le nom chinois d’île Huangyan. Suivit une guerre de mots – la Chine avertissant qu’en cas de poursuite des provocations, la paix ne « dépendrait plus que d’un miracle ». Une autre réplique fut le déploiement de sa plateforme de forage CNOOC-981 au nord des Paracelse (revendiquées par la Chine, le Vietnam et Taïwan). Elle était présentée comme instrument de la souveraineté chinoise sur cette mer, comme 36 nouveaux garde-côtes, annoncés d’ici 2013. Pékin suspendait encore le flux (minoritaire, à 9%) de touristes vers Manille, et « épluchait » ses importations de fruits exotiques.
Ce conflit est récent. Ce n’est qu’à partir de 1997 que la marine philippine arraisonna des chalutiers chinois en ces eaux, suivant un décret-loi de 1978 du dictateur F. Marcos, qui n’avait pas à l’époque fait froncer les sourcils pékinois.
Mais depuis les années 2000, les choses ont changé.
– Côté Chine, Pékin se montre plus revendicatif, remplaçant l’idéologie par le patriotisme, déterminé à redéployer son « hinterland » maritime. A ceci s’ajoute la dépendance du PCC envers l’armée : celle-ci prenant des initiatives extérieures, en échange de son rôle de « bras armé » de la République Populaire de Chine. De plus, l’affaire Bo Xilai a un effet dévastateur pour la légitimité du régime : dans cette ambiance instable, l’état-major peut être davantage tenté d’abuser de ses libertés sur le théâtre extérieur, convaincu de pouvoir mettre Pékin devant le fait accompli.
– Côté Philippines, le courage de jouer les David face au Goliath, malgré l’extrême disparité des moyens, s’explique par la stratégie d’Obama depuis 2010, de redéploiement des forces du Moyen-Orient vers la zone Pacifique. Pour amener Pékin à négocier, Washington garantit aux pays voisins son soutien militaire et diplomatique. L’essentiel est caché : derrière les discours belliqueux ou les manifestations antichinoises à Manille, les négociations ne sont pas rompues. Le 04/05, le Président philippin B. Aquino propose de dissocier le droit territorial (non négociable) d’une exploitation commune (pétrole, droits de pêche).
De son côté, le général Liang Guanglie, ministre chinois de la Défense, était aux USA (04-09/05), une première en 9 ans. Parmi les sujets négociés figura ce conflit, et sa demande aux USA de ne pas s’impliquer. Demande impossible, Washington étant lié avec Manille par un traité, et ayant la ferme volonté de protéger ses alliés, tant par intérêt que par philosophie politique. En attendant, le bras de fer perdure, nerveusement observé par tous ces pays « nains » autour du géant. Cette mer, qui devra un jour être partagée, ne pourra l’être que sur une base équitable et négociée.
Sommaire N° 17