Le 08/05, la mer Jaune vrombit de chalutiers chinois en quête de chinchards maigres et crabes bleus. Deux vedettes nord coréennes, lourdement armées, prennent d’assaut trois bateaux et les déportent vers un îlot désert sur leurs côtes. Les capitaines doivent appeler leurs armateurs, communiquer la demande de rançon de 400.000¥, ramenée à 300.000¥ par navire. Puis commencent pour les 28 matelots, 13 jours de détention à bord, dans un cagibi, frappés et mal nourris. Le 19/05, suite aux plaintes de Pékin, ils sont libérés. Les bâtiments repartent avec juste assez de fuel pour rallier Dandong, pillés jusqu’aux effets personnels et aux filets. Les rançons n’ont pas été payées, mais deux capitaines, sous la contrainte d’armes, ont dû signer une reconnaissance de « bons traitements ».
Fait rare, la Chine a dévoilé l’incident, causant vive émotion. Car elle fournit, souvent gracieusement, le « pays du Matin calme » en riz, carburant et autres denrées de nécessité. La presse dénonce le « chien fou qui mord la main qui le nourrit », tandis que Pékin, menant une enquête officielle, montre sa colère.
Tous les témoignages évoquent un arraisonnement en eaux chinoises, suivi d’un acte de piraterie par des militaires en uniformes.
Les deux explications plausibles sont toutes aussi inquiétantes : [1] un acte de désespoir et de faim ayant fait oublier la discipline de l’uniforme, et [2] une rétorsion politique par un régime extrémiste se sentant trahi. Car le vieil allié fait aujourd’hui pression, avec USA, Corée du Sud et Japon, pour tenter de lui faire renoncer à son 3ème cycle de tests d’un missile et d’une bombe atomique.
Quoiqu’il advienne, les relations entre ces deux alliés apparaissent gravement endommagées. Mais combien de temps le régime du « cher leader » peut-il survivre à la mort de son alliance avec Pékin ?
L’autre tension maritime dans la région, était davantage attendue : celle avec les Philippines, depuis avril, quand leur marine découvrit 8 bateaux chinois pêchant en zone de Scarborough, revendiquée par les deux pays, quoique bien plus voisine de l’archipel que du continent.
Dans ce conflit, deux pressions interviennent, qui pourraient venir de la Maison Blanche. Deux escalades, au conditionnel. [1] Le 18/05, l’USS North Carolina ,sous-marin nucléaire américain de dernière génération, fait surface et vient mouiller en rade de Subic, qui était jusqu’en 1991, la plus grande base navale américaine d’Asie. La presse locale évoque l’option d’un retour en bonne et due forme de la flotte américaine. Hillary Clinton rappelle qu’en tout cas, son pays honorera si nécessaire son traité légal de défense de l’archipel. En même temps, les USA préparent la remise imminente à leur allié d’un antique croiseur de leur marine, modernisé. [2] De son côté, Manille annonce l’achat au Japon de 10 patrouilleurs neufs. Cet acte saluerait la fin de 43 ans de ban volontaire de ventes d’armes nipponnes. Tokyo se garde de confirmer : « la décision n’est pas mure ».
On ne peut que relever la simultanéité des deux actes – voulus et même programmés. Un tel bouclier maritime qui se prépare, rappelle par sa structure internationale un OTAN (Organisation du Traité Atlantique Nord), encore sans traité ni institution. Pékin dénonce d’avance une « extension de l’OTAN vers l’Est », et annule par rétorsion la visite à Tokyo du n°2 de la Commission Militaire Centrale (CMC), le général Guo Boxiong, prétextant un « manque de temps ».
Les deux pressions ressemblent à un dernier avertissement à la Chine, par un groupe de pays menés par les USA.
Cela dit, la réaction chinoise apparaît variée, voire incohérente.
D’une part, les palabres engagées à Hangzhou (15/05) avec le Japon montrent un souci de se comprendre et d’harmoniser les positions de ses nombreuses instances cogestionnaires du dossier maritime : c’est un pas précieux. D’autre part, la Chine a laissé 20 de ses bateaux de pêche retourner dans la zone (21/05), violant son propre ban, pour imposer sa souveraineté par sa masse… tout en accusant Manille de « duplicité ». Autant dire que rien n’est réglé !
Sommaire N° 19