Diplomatie : Pékin, face à Damas et Téhéran – une goutte de vin dans son eau

Syrie aux puissances de l’Ouest et à la Ligue Arabe, la Chine a d’abord rejeté (avec la Russie) les initiatives des seconds auprès des Nations Unies — notamment lors de la résolution du 4/02 visant le départ du tyran syrien Bashar el Assad.

Mais depuis, Pékin apparaît soucieux de ne pas se laisser isoler davantage, et l’on voit apparaître, à traits presque imperceptibles, des différences qui ébranlent son front commun avec la Russie.

Ainsi, quand Moscou rejeta une conférence des « Amis de la Syrie » à Tunis (le 24/02, excluant la présence de représentants de l’Etat syrien), Pékin prit 48h pour réfléchir, avant d’accompagner son boycott. Pékin approuva aussi le Plan de paix de la Ligue Arabe. Certes, on voit toujours se maintenir en Chine le front de protection des régimes dictateurs dans leurs actions désagréables. La presse chinoise condamne le soutien de l’Ouest à l’opposition à B. el Assad. « Si l’Ouest persiste », avertit-elle, « une guerre civile à grande échelle sera inévitable, supprimant toute chance d’éviter l’envoi de forces étrangères ».

« En réalité », explique Li Weijian, politologue shanghaïen, que le gouvernement syrien soit Assad ou qui que ce soit, ne nous concerne pas. Nous appelons au dialogue, mais si vous changez de pouvoir, nous entretiendrons de bonnes relations avec le nouveau régime ». 

De fait, en Syrie, contrairement à la Russie, les intérêts chinois sont des plus minimes, moins de 20 millions de US$ et une centaine d’expatriés. Une des clés de son attitude d’autre part, est la crainte de se retrouver « embarquée » dans un conflit possiblement long et meurtrier, sans encore disposer des ressources diplomatiques et militaires pour y faire face. Enfin, certains en Chine, comme Yan Xuetong, doyen d’un Institut de l’université Tsinghua, rappellent avec lucidité que donner un feu vert aux Occidentaux pour aller sauver la Syrie ne rapportera rien à la Chine (la reconnaissance allant aux combattants), tandis que bloquer un vote à l’ONU « montre au monde que la Chine est une voix que nul ne peut se permettre de négliger ». Realpolitik !

Face à l’Iran, on voit le même souci de protéger la relation avec l’allié, mais sans dépasser la limite de l’acceptable à l’Ouest. Aussi, confrontée à sa demande de s’associer à l’embargo pétrolier contre le régime des mollahs, pour le détourner de sa course à la bombe (cf VdlC n°6), elle maintient en 2012 ses commandes via le groupe Zhenrong (240.000 b/j), mais réduit de 20% celles de Sinopec (208.000 b/j). 

Un geste significatif puisque ses besoins continuent d’augmenter, ses import globaux gagnant 6,8% en un mois, à 5,5 millions de b/j. Un autre geste discret mais qui n’est passé inaperçu ni à Paris, ni à Londres : la Chine a critiqué l’Iran (21/02) pour avoir mis un terme unilatéral à ses livraisons de brut aux deux pays – qui avaient accepté le boycott à partir du 1er juillet. « Négociez ! » a-t-elle admonesté Téhéran, redoutant plus que tout des frappes aériennes israéliennes sur l’Iran, et un conflit régional qui remettrait en cause en un jour, 30 années d’efforts pour assurer sa sécurité d’approvisionnement pétrolière.

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