A la loupe : La Chine au pied du mur de la réforme agraire

La proclamation par les fermiers de Fujin (Heilongjiang) de l’abandon du collectivisme terrien, s’est vite répandue sur internet. 40.000 autres ont adhéré dans la province, suivis de 120.000 paysans ayant signé des chartes similaires dans le Shaanxi, le Jiangsu et à Tianjin. Dans l’ombre, une coordination évoque 13 provinces sur le point de suivre. Ces paysans réclament le partage individuel, ou bien par coopératives à 10 ou 20 familles.

Face à ce défi, le gouvernement reste encore sans réponse :

 [1] Il sait que les villes exproprient par an 335.000ha dont 40% arables, et autant de surfaces confisquées au noir. Économistes et cadres centraux savent que ces confiscations illégales sont la cause n°1 des émeutes, et le premier obstacle à l’enrichissement des campagnes, au remembrement de grandes fermes et coopératives, assez riches pour s’équiper aux dernières technologies -économiser l’eau, valoriser les produits… Sans réforme foncière, la campagne lancée depuis 2003 par le Président Hu Jintao et le 1er ministre Wen Jiabao pour combler l’écart de croissance entre ville et campagne, s’éternise sans gagner la partie. Même le potentiel productif s’essouffle, dit Huang Peijing, agronome/ député hunanais, du fait d’un exode rural laissant les campagnes veuves de leur force de travail.

[2] Adopter cette réforme est risqué, touchant aux fondements idéologiques du régime et à la source 1ère de l’enrichissement personnel des cadres ruraux : elle exige une audace encore absente.

Il se trouve qu’il y a 30 ans, une 100aine de paysans de Xiaogang (Anhui) cassaient leur «commune populaire» pour se partager les lopins. La province avait réprimé, mais quelques mois plus tard, depuis Pékin, Deng Xiaoping avait réagi. Reprenant l’idée à son compte, il avait créé l’actuel droit foncier, compromis où la terre reste publique mais l’usage est alloué aux paysans pour 30 ans. Aujourd’hui, la base se réveille,  pour exiger d’aller plus loin !

Car l’administration rurale a prospéré sur ce terrain corrompu. Surdéveloppée, sans contrepouvoir, elle reste sourde aux tentatives de Pékin pour enrayer les confiscations. Le ministre du sol Xu Shaoshi a épinglé 3700 cadres, coupables d’abus sur 1,3M d’ha—300 sont déjà condamnés. Mais la légèreté du nombre, et des peines (amendes, confiscation) prive l’action de toute valeur dissuasive : le 22/01 à Wuming (Guangxi), à coup de police armée et de 12 pelleteuses, la mairie chasse son village de ses 100ha de masures et de potagers… A titre de réponse au problème national, Pékin vient encore de promettre d’augmenter de 20 à 30% le montant de l’indemnisation. Mais vu le climat délétère, la réaction n’est elle pas du type, « trop peu, trop tard » ?

 

 

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