Nettoyage de printemps
Par crainte de violences terroristes (cf édito), et de contestations durant les Jeux Olympiques, le ministère de la sécurité publique lance sa campagne la plus forte depuis 19 ans : arrestations, limogeages ou procès de dissidents, religieux, chroniqueurs.
Vis-à-vis des étrangers, les octrois de visas sont restreints, et la recherche de ceux en situation irrégulière a débuté -même à domicile. L’internet est freiné et sa censure renforcée.
Parmi les actions les plus spectaculaires, le Bureau national des cartes lance une frappe, par 8 ministères et bureaux d’Etat, pour bannir de la toile 10.000 cartes géographiques prêtant à la Chine des frontières fantaisistes (décrivant Taiwan comme indépendante), ou trahissant des secrets militaires – Google Earth serait le 1er visé. Dans le même état d’esprit, Midi, festival de rock pékinois, a été reporté. Comme à Kunming (Yunnan), ce congrès mondial de juillet prochain, où 6354 anthropologues et d’ethnologues s’étaient pré-inscrits.
Curieusement, cette mise sous cloche n’éteint pas toutes les protestations. Les 3 et 4/05 à Chengdu (Sichuan), des milliers de gens «prenaient l’air» des rues, et des 100aines de milliers de SMS circulaient pour tenter de bloquer la construction d’une unité de production d’éthylène (5,5MM$) de la CNPC, la compagnie nationale pétrolière, à Pengzhou à 30km au nord-ouest. Les raisons, probablement infondées : sanitaires, et pour protéger la valeur de leurs propriétés.
NB: méthode de dissidence déjà testée à Xiamen (contre une usine de paraxylène) et à Shanghai (contre le Maglev).
Fruits de saison législatifs
De nouvelles lois entrent en activité ou se profilent à l’horizon.
[1] Au 1er mai, une loi de divulgation prend cours, imposant aux instances publiques, à tout niveau, d’informer les personnes physiques ou légales qui le réclament, sur tout sujet les concernant. Cela dit, le test d’application mené depuis 2004 entre Shanghai, Canton et Wuhan, n’est guère concluant : les chances des citoyens d’obtenir leur information pertinente, sont quasi-nulles. Ce qui n’empêche cinq retraités de Rucheng (Hunan) d’attaquer dès le 2/05 leur préfecture sur la base de ce texte, à propos de la privatisation d’un service municipal de retraitement des eaux…
[2] Au 1/06, entre en vigueur la loi des avocats, effort louable pour donner de la crédibilité à l’appareil législatif, en protégeant ses travailleurs : est consigné leur droit à rencontrer leur client, compulser leur dossier, rassembler des preuves. Prison ou police ne peuvent plus enregistrer les propos entre l’avocat et le client.
[3] A noter aussi ces ceux projets qui mûrissent. Un amendement se prépare, à la loi de 1994 sur la compensation aux innocents injustement punis. Aujourd’hui, l’Etat leur promet, mais ne paie pas toujours, 99¥/jour de prison. L’assemblée médite un règlement sur l’achat des banques à l’étranger, qui imposera aux banques commerciales, un rapport capital/actif de plus de 10%.
Appel à « grâce » olympique ?
Mécène énigmatique, le businessman US John Kamm est bien connu en Chine, militant depuis 20 ans pour la libération de prisonniers, avec succès fréquents, attribuables à sa discrétion et à ses contacts en très haut lieu dans l’appareil. Cette semaine (8/05), Kamm rend public l’appel soumis le 24/04 à Wu Bangguo, Président du Parlement (ANP), pour une grâce olympique aux «politiques» soumis à : une longue peine, presque achevée, «ne causant plus de risques pour la société ».
Sans le dire, l’action vise les 60 à 100 hommes toujours en prison depuis 1989, suite à leur participation au printemps de Pékin. Cet appel pragmatique vise le «dialogue» plus que la «critique», sur base de l’article 67 de la constitution et de la charte olympique. Il a ses chances, vu le besoin de la Chine de se refaire une image. Parmi les cas cités, figurent Liu Zhihua, Miao Deshun, Gu Xinghua (d’ethnie Miao), Wang Jun, Yu Rong, Wei Jingchun et Shao Liangchen.
Sommaire N° 16