Petit Peuple : Anshan—fable olympique

Qu’est ce qui fait qu’un être né dans la poussière, accède à un destin de héros et de mécène? La compassion sans doute -et chez Bai Jian, le coup de baguette magique de l’école !

Son établissement pourtant, dans le Dongbei, n’avait pas de quoi rêver : ni chauffage (par  -20°!), ni tableau noir, mais un sol en terre battue pour des enfants venus pieds nus. Jian faisait ses 5km aller retour tous les jours.

Mais cette adversité renforça sa rage de s’instruire : moyennant les sacrifices indicibles de ses proches, il entra en Ecole Normale en ’92, fut diplômé en ’95, nommé prof de gym au collège n°2 d’Anshan (Liaoning), où il est toujours. A 22 ans, il obtenait un salaire de 2000¥, un appartement de fonction de 60m² : la vie était belle…

Et bien non! Au lieu de sortir, s’amuser, se marier, dès ’96, il recueillit un enfant de la rue, un autre, 24 au total en 12 ans. Ils revenaient de loin: rejetés par des parents pauvres, certains délinquants, c’était l’écume de la ville que recueillait notre mécène -les filles dans une chambre, les gars dans l’autre.

Joindre les deux bouts est un casse-tête. A son salaire, s’ajoute l’argent du nettoyage de l’école, du ramassage des cannettes, des ventes de GSM de stylos et de leur échoppe. Logeant avec toute la troupe, ses parents font bouillir la soupe, sa soeur organise les équipes de travail, leur habillement -100% faux Nike, faux Adidas. Jian est bien sûr endetté au-delà du possible, mais n’en a cure: 债多不愁 « zhaiduo bu chou », trop de dettes ne démangent plus !

Aux temps de noroît, quand arrive une grosse facture (d’université, d’enterrement d’un des parents), des amis tombent toujours du ciel pour l’aider, tel celui qui lui prêta (sie die) une fourgonnette, ou ce businessman anonyme qui lui versa 100.000¥ pour éponger (une partie de) ses dettes ! Et c’est ainsi qu’à 34 ans, Bai Jian est parrain de 9 enfants à (ou sortis de) l’université, 3 au travail, 11 encore à sa charge.

Cependant en 2006, l’histoire  de Jian prit un nouveau tour, à mesure que fut connu son apostolat : élu un des 10 « meilleurs profs du Liaoning, il reçut20000¥ qui lui permirent de payer l’inscription en fac d’un ou deux de ses poulains, il fut nommé porteur local de la torche olympique  (parmi 11500 autres). Puis on l’invita à Pékin comme «porteur national»: ce qui le rendit de facto candidat porteur de la vraie flamme, dans le monde ! 

Sur place, l’attendait une scène burlesque. Riches et bien en cour, ses rivaux (un businessman, un philanthrope attitré, un travailleur modèle, une brochet-te de pin-up) étaient tous gominés, financés, avec troupes de pom-pom-girls pour exécuter les « chants et danses de leur région ». Jian lui, n’avait qu’une étudiante mi-muette et sourde. Par charité, autant que par admiration, les organisateurs lui dénichèrent 20 étudiants bénévoles qui, écoutant sa saga, devinrent ses ardents fans.

A l’émission TV de sélection, sa filleule, qui lisait sur les lèvres, oublia tout le protocole et hurla: « vas-y, papa », reprise en choeur par les 20 étudiants. Et finalement, Bai Jian remporta les 2 hit-parades, dans la salle comme à l’audimat : il était plébiscité porteur mondial !

L’histoire ne dit pas sa réaction à Londres ou à Paris, en voyant tant d’incompréhensible hostilité aux JO et à son pays. Mais elle nous interpelle, comme signe du chemin accompli par ce pays en 20 ans: des trésors de bonté qu’il peut renfermer, sous sa gangue de formalisme et d’idéologie passée !

 

 

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