Editorial : Un Plenum « rayon de soleil »

À Hong Kong, le Parlement « Legco » fut contraint (19 octobre) d’interrompre ses travaux, suite à la sortie du groupe d’élus « pro-Pékin » qui voulait dénoncer le sabotage par deux jeunes élus autonomistes de leur serment d’allégeance à la nation. L’incident place le Legco dans une situation sans précédent, risquant d’exclure ces deux députés – au mépris du vote de leurs électeurs, et de la Constitution hongkongaise.

A Pékin, un homme pâtit silencieusement de ce scandale : Zhang Dejiang, en charge des affaires de Hong Kong au niveau national. Le Président Xi Jinping le tient pour responsable du mauvais climat dans l’enclave hongkongaise, et dans ses rapports avec la mère patrie. Zhang se trouve par ailleurs être un lieutenant de l’ancien Président Jiang Zemin (que Xi, selon certains bruits, veut voir enfin mis en accusation). Et justement, la Commission nationale de Discipline, accuse le Bureau des Affaires de Hong Kong (de Zhang Dejiang) de « gestion trop laxiste », et d’« irrespect des règles de discipline du Parti »… 

C’est dans ce climat tendu que s’ouvre le 24 octobre, dans le décor immuable de l’hôtel Jingxi à l’Ouest de Pékin, le 6ème Plenum du Comité Central, à 205 membres et 171 suppléants. Ce Plenum définit chaque année la nouvelle ligne à suivre. Celui de 2013 créait deux commissions (‘sécurité nationale’ et ‘approfondissement des réformes’),  restructurant ainsi le pouvoir dans un sens plus présidentiel. Celui de 2014 introduisait le concept de « gouvernance légale » (法治) et renforçait la campagne anti-corruption. Et enfin, celui de 2015 mettait fin à la politique de l’enfant unique. 
Il ne faut pas attendre du 6ème Plénum la liste des futurs membres des organes dirigeants (Comité Permanent et Bureau politique). De tels choix se négocieront jusqu’au dernier moment – en juillet 2017, au conclave balnéaire de Beidaihe précédant le XIX. Congrès d’octobre.

Plusieurs rumeurs se précisent : Xi Jinping, qui devrait selon la règle se retirer en 2022, à l’issue de son second quinquennat, est réputé en briguer un troisième pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2027, suivant les traces du Président russe, Vladimir Poutine, politicien qu’il admire.

Xi pourrait aussi dénoncer l’accord secret qu’il avait passé avec son prédécesseur, Hu Jintao en 2012. En échange de l’abandon immédiat par Hu de sa présidence à la Commission Militaire Centrale, Xi l’aurait assuré de la promotion en 2017 au Comité Permanent de deux cadres de la 6ème génération, Hu Chunhua et Sun Zhengcai, qui seraient ainsi éligibles au pouvoir suprême en 2022. Or Xi n’est plus tenu aujourd’hui de tolérer un successeur issu d’un camp rival.

L’agenda de ce Plenum porte sur la révision des règlements de discipline du Parti, en particulier contre la corruption. Réapparaît alors un vieux projet de législation interne, l’« initiative rayon de soleil », qui avait été discuté et écarté par une majorité d’édiles sous Hu Jintao. Xi Jinping serait sur le point de faire adopter cette disposition selon laquelle tous les membres et suppléants du Comité Central devraient publier l’état de leur fortune personnelle, y compris de leur famille : biens immobiliers (en Chine et à l’étranger), comptes en banques, privilèges financiers, permis de résidence à l’étranger, places dans des universités hors du pays…

Un tel geste serait rendu possible, du fait de l’ancienneté du projet : en 5 ans, les cadres ont eu loisir de transférer leurs avoirs à l’étranger sous des noms d’emprunt – comme l’attestent les « Panama papers », où figurent nombre d’apparatchiks. La publication du « rayon de soleil » renforcerait l’image de Xi Jinping en « Monsieur propre », et lui permettrait d’épingler certains de ses adversaires, tout en introduisant un style de conduite des hauts cadres du Parti plus acceptable de l’opinion.

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1 Commentaire
  1. severy

    A quand un lanceur d’alerte qui révélera les avoirs à l’étranger de tous les caciques et de leur famille et proches? Pas étonnant que « Monsieur Propre » soit interdit de séjour dans les étalages des magasins d’Etat.

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