Défense : Mer de Chine du Sud : de silencieux remous !

En cette fin d’été, les Etats-majors politique et militaire chinois goûtent les fruits de leur victoire en mer de Chine du Sud : en six mois, sans coup férir, ils ont pris cinq îlots stratégiques, reconquis 1200 hectares en pompant le sable des bas-fonds, créé une piste d’atterrissage de 3000 mètres, capable de recevoir les plus lourds appareils de l’APL, à 2000 km de leurs côtes. 

<p>D’ici 2017 sur ces îles artificielles, disent les experts, la Chine aura monté ses ports, casernes, canons, radars permettant d’imposer sa souveraineté sur la région. Rejetant la Convention du droit de la Mer de l’ONU (UNCLOS), Pékin ne reconnaît aux riverains (Philippines, Vietnam, Malaisie, Brunei, Taiwan) qu’une bande côtière des 12 milles.

Par ailleurs, Pékin ne perd aucune occasion d’affirmer sa souveraineté sur cette mer, au Sud comme à l’Est :
– le 24 août, Haiyang Shiyou 981, plate-forme pétrolière de la CNOOC, achève une mission de forage à 100 milles des côtes vietnamiennes ;
– du 25 au 31 août, l’APL en exercice y tirait près de cent missiles, déploya plus de cent bâtiments, des dizaines d’avions en manœuvre pour tester de nouveaux systèmes de reconnaissance, d’alerte précoce, de commande et de contrôle d’armements électroniques de surface et immergés ;
– le 1er septembre, la Chine réitère son avertissement à l’Inde de ne pas explorer un bloc maritime octroyé par le Vietnam à sa compagnie ONGC
Le déploiement naval chinois va d’ailleurs bien au-delà des mers d’Asie : début septembre, 5 bâtiments de l’APL croisent au large de l’Alaska, en plein détroit de Behring…
Suite à la plainte des Philippines, le litige de la mer de Chine passe au terrain judiciaire : les 6-13 juillet, la Cour d’arbitrage de la Haye tenait sa 1ère session—en l’absence de la Chine, rejetant l’autorité du tribunal et prétendant régler le différend en bilatéral. 

La Chine, cependant, fait pression : l’ASEAN, en session à Kuala Lumpur les 4-6 août, a eu bien du mal à exprimer sa « préoccupation » sur l’avancée chinoise dans « leurs » eaux : des pays tels Laos ou Cambodge, vassaux économiques de Pékin, faisant obstruction.
Même les Philippines, pourtant connues pour leur franc-parler, font profil bas : afin d’assurer la présence du Président Xi Jinping à « leur » meeting APEC (21 pays de la zone Pacifique) de Manille les 18-19 novembre, le n°1 philippin B. Aquino laisse entendre que le sujet ne sera pas abordé durant le sommet. 

Pour autant, face à la Chine, la défense s’organise.
Tous les riverains étoffent leurs budgets militaires, tel le Japon (42 milliards de $, 2% de hausse justifiée pour « renforcer ses îles à sa frontière Sud »).
Le Vietnam entame la construction d’un ambitieux port en eaux profondes à Hon Khoai, à l’extrême Sud du territoire. Il renforcera ainsi son potentiel industriel, mais aussi, étant situé à la hauteur des nouvelles bases insulaires chinoises, sera à même de mieux les contrôler. Et pas par hasard, les 2,5 milliards de $ du budget sont prêtés à 85% par l’ExImbank des Etats-Unis

Sous la houlette des USA donc, les pays se rapprochent et s’entraident :
exercices navals en septembre pour l’Inde et l’Australie, partenariat stratégique (défense, économie et politique) entre Vietnam et Philippines, mise à disposition par la Malaisie de ses bases à l’US Air Force pour ses missions de surveillance en Mer de Chine du Sud. Sans compter de multiples alliances croisées entre tous ces pays et le Japon…
Comme le disent les experts australiens, « la Chine a gagné au plan tactique, mais a perdu sur le théâtre stratégique », du fait de son isolement croissant face à toute la région. Ce risque sera d’ailleurs fatalement renforcé si Pékin édicte unilatéralement, comme on lui en prête l’intention, une Zone d’Identification de Défense Aérienne (ADIZ) en mer de Chine du Sud, pendant de sa ADIZ édictée en 2014 sur la partie Nord.

Enfin par chance, des éléments rassurants viennent s’ajouter au tableau pour alléger l’atmosphère :
Taiwan lançait en juin une « initiative de paix en mer de Chine du Sud », tentant de faire accepter l’UNCLOS comme base de résolution du litige ;
– La marine chinoise prépare pour septembre des exercices navals à Malacca avec ses consœurs malaise, australienne et américaine.
– Chine, Etats-Unis définirent en 2014 avec les 21 pays de l’APEC un accord de ligne de conduite en cas de « rencontres » imprévues entre leurs navires, introduisant là une dose de détente et de confiance entre ces pays ;
– Enfin, la Chine relance son offre de financer et forer à l’extrême-Sud thaï le canal de Kra, abrégeant de 1000 km la route navale mondiale. À travers l’isthme, cet ouvrage de 100km de long, pour 30 milliards de $, prendrait 10 ans —et assurerait le succès du futur port de Hon Khoai, en lui ouvrant la mer de Chine.
De la sorte, avec cet outil au bénéfice de la Thaïlande et du Vietnam, Pékin espère sans doute « acheter la paix », et sous 5 à 10 ans, imposer aux voisins d’Asie et du Pacifique un règlement négocié pour partager la souveraineté sur cette mer commune.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
19 de Votes
Ecrire un commentaire